Réputés pour leurs bienfaits sur la santé, sushis, tempuras et yakitoris connaissent un succès sans précédent dans le monde qui comptera d'ici trois ans près de 50.000 restaurants japonais, soit le double du nombre actuel, selon le gouvernement. "Notre objectif est d'offrir au monde de l'authentique cuisine japonaise", a expliqué le ministre de l'Agriculture, Toshikatsu Matsuoka, lors d'un récent colloque à Kyoto (ouest). "Nous ne pouvons accepter des restaurants japonais qui n'en ont que l'apparence, sans en avoir la substance. Nous voulons les distinguer de ceux dont on peut dire qu'ils servent de la véritable cuisine japonaise", a-t-il plaidé.
Début novembre, le gouvernement a chargé un comité d'experts de se pencher sur la création d'un système d'authentification de la cuisine japonaise, dont les conclusions seront connues en février 2007. A Paris, où se sont multipliés ces dernières années les restaurants japonais, le JETRO, organisation du Commerce extérieur nippon, a déjà pris les devants, en mettant en place une commission d'évaluation de la cuisine japonaise, sur des critères de qualité, d'hygiène et de service.
L'enquête d'une équipe d'inspecteurs dépêchée par le JETRO a débouché sur un guide qui doit être publié le mois prochain, lequel ne recommande qu'une cinquantaine de restaurants japonais en France, sur les quelque 600 que comptent déjà Paris et sa région. A Tokyo, les autorités s'attèlent à recueillir le maximum d'avis de professionnels mais aussi de simples gourmets pour fixer le cadre de ce système déjà controversé.
Interrogé par l'AFP, Sadaharu Nakajima, un chef cuisinier de Tokyo juge l'interventionnisme de l'Etat "totalement absurde". "Quand un gouvernement se mêle de musique, de théâtre ou de cuisine, c'est toujours un fiasco", tranche-t-il. Stéphane Danton, consultant français en restauration installé depuis 14 ans au Japon, dénonce de son côté la volonté "protectionniste" de l'Etat japonais.
Les autorités, qui entendent également promouvoir l'exportation de produits japonais, "cherchent à attirer la clientèle étrangère dans des restaurants certifiées par elles-même, c'est une atteinte à la libre entreprise", déplore-t-il. Aux Etats-Unis, qui abritent le plus grand nombre d'amateurs de mets nippons, les médias ont fustigé la création d'une "police du sushi". "Le gouvernement américain ne porte pas de jugement sur les restaurants américains en Afrique ou à Hong Kong", a observé un restaurateur californien.
Il est vrai qu'une des cibles culinaires des puristes nippons sont les fameux "rouleaux californiens", sorte de sushis à l'avocat, au curry et au crabe, très populaires aux Etats-Unis, et figurant également au menu de nombreux restaurants au Japon. "Selon moi, les rouleaux californiens ne sont pas des sushis. Riz et avocat ne se marient pas bien, or l'alchimie des ingrédients est essentielle", estime Shigeo Nakamura, chef-cuisinier d'Osaka (ouest).
Si le gouvernement nippon "reconnaît que la cuisine japonaise peut être adaptée aux goûts étrangers, la question est de savoir quel est le seuil de tolérance", souligne Mari Izumi, une responsable du ministère de l'Agriculture. Pour le chef Nakajima: "sushis au caviar (en Russie), yakitori au fromage (en France), quel est le problème ? Au bout du compte, tout dépend de la qualité des chefs et des ingrédients".