"Nous voulons donner une nouvelle chance à la concertation entre producteurs, grossistes et distributeurs", indique-t-on à Bercy. Le ministre de l'Agriculture Michel Barnier avait pourtant de son côté signé le décret instituant ce système de "coefficient multiplicateur maximal", entre le prix d'achat au producteur et le prix de vente au consommateur, soulignent la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) et les Jeunes Agriculteurs (JA) dans un communiqué intitulé "l'Agriculture désavouée par Bercy". Pour ces deux organisations, "l'Etat renvoie les producteurs au dialogue déséquilibré avec la distribution qui s'apparente au combat du pot de terre contre le pot de fer".
La FNPF et les JA disent ne pas comprendre "cette décision" et demandent en quoi il est "choquant qu'en période de crise (...) on s'assure que les marges des différents acteurs de la filière restent raisonnables". La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) et l'Union nationale des commerces de gros en fruits et légumes avaient averti qu'elles attaqueraient à Bruxelles si le décret était adopté. Elles considéraient en effet que le système du "coefficient multiplicateur" était contraire à la réglementation européenne. Le "seuil d'alerte", premier niveau de "gestion de crise", établi lorsque les prix relevés d'un fruit ou d'un légume périssable sont largement inférieurs à la moyenne des cinq dernières années pendant trois jours, a déjà été activé il y a un mois par le ministère de l'Agriculture.
Les pêches et les nectarines, victimes d'une météo maussade depuis le début du mois de juin, notamment dans le nord de la France, sont victimes de méventes qui impliquent pour les producteurs de faibles prix de vente aux grossistes (actuellement de 0,70 à 1,40 euros/kg), selon la FNPF. La France produit environ 350.000 tonnes de pêches et nectarines par an. Si Bercy avait signé le décret, cela aurait été la première fois que ce système aurait été utilisé pour un produit agricole en France depuis sa création, par une loi, en 2005. Déjà, en mars dernier, Dominique Bussereau, alors ministre de l'Agriculture, avait finalement renoncé, devant l'opposition de Bercy, à appliquer le "coefficient multiplicateur" au secteur de la salade confronté à un effondrement des cours et à de fortes méventes. Pour les fruits, le déclenchement du "coefficient multiplicateur" a déjà été refusé à deux reprises par le gouvernement: pour la poire en août 2005 et la pomme en novembre 2005.