Le lancement de l'étude, décidée au printemps 2007, intervient après la décision du gouvernement de déclencher une procédure de suspension de la seule culture OGM autorisée en France, le maïs MON810. "C'est la première fois qu'une telle démarche se fait en France sur les OGM. On va enfin savoir ce que les agriculteurs pensent vraiment", se félicite Christophe Couroussé, porte parole de Terrena.
La coopérative, mise en cause l'an dernier par certains adhérents pour avoir semé des parcelles de MON810 sans communication préalable, affiche aujourd'hui sa volonté de concertation. "La question, c'est +quelle agriculture voulons-nous ?+. Nos adhérents représentent 7% de la profession en France. Le ministère de l'Agriculture suit l'initiative avec attention", souligne M. Couroussé. Les résultats seront rendus publics fin février ou début mars. La coopérative, qui possède aussi des entreprises agroalimentaires, a prévu 34 débats en Pays-de-la-Loire et Poitou-Charente, ses deux principales régions d'implantation. Parallèlement, les 26.000 adhérents sont invités à retourner un questionnaire de trois pages, essentiellement sur les OGM, mais aussi sur les produits phytosanitaires et les engrais chimiques.
Les premières discussions ont permis aux agriculteurs d'exprimer leurs doutes, comme à Saint-Augustin-des-Bois (Maine-et-Loire), où une trentaine d'entre eux ont participé mardi à un débat animé par des dirigeants de Terrena. Philippe, un jeune producteur de céréales biologiques, s'est inquiété de la contamination possible de ses parcelles si son voisin se mettait à cultiver des OGM. "Pour moi, une perte de certification bio, c'est 25.000 euros de produits en moins. Est-ce que je vais attaquer mon voisin en justice ? Cela va causer de gros problèmes relationnels". Un animateur lui répond que les exploitants OGM devront s'assurer contre ce risque, mais reconnaît que les compagnies d'assurance sont réticentes à s'engager... Les questions fusent dans le calme.
Les réponses des animateurs sont prudentes pour éviter tout soupçon de manipulation. Pour Guy Laluc, rédacteur en chef de la lettre d'information agricole Argos, les dirigeants de Terrena doivent trancher un "débat assez houleux entre pro et anti-OGM". Les céréaliers, proches des semenciers, y sont favorables car ils craignent de perdre des marchés rémunérateurs au profit d'autres pays, analyse-t-il. Mais les éleveurs sont "plus gênés car ils sont davantage confrontés au consommateur", hostile à ces technologies. Selon lui, le débat illustre le malaise du monde agricole en général, profondément divisé sur les OGM, y compris au sein du syndicat majoritaire FNSEA. "Il n'y a pas de lieu où les agriculteurs peuvent débattre entre eux de ces sujets-là", souligne André Roulleau, éleveur de moutons et volailles, anti-OGM.
Dominique David, producteur de lait et céréales, pro-OGM, estime que les dirigeants de la coopérative sont "plutôt pour" et "ont déjà leur décision en tête même s'ils n'iront pas contre les adhérents". Le débat est aussi "une politique d'ouverture face aux faucheurs volontaires", explique Jean-Yves Ménard, président de la filière volaille de Terrena. Sur les 35 ha de maïs OGM semés l'an dernier par la coopérative, 27 ont été fauchés avant terme par les militants écologistes, rappelle-t-il.