Près de 1.000 hectares ont été endommagés dans la Somme, entre 400 et 800 dans le Pas-de-Calais, selon les syndicats agricoles. Olivier Geerhaert, de l'Union des syndicats agricoles de l'Aisne, estime que les surfaces agricoles touchées dans le département ont doublé par rapport à l'année dernière. En cause, la moindre virulence de la myxomatose, et les conditions climatiques de l'été dernier, qui ont favorisé ce mammifère naturellement prolifique : une lapine peut mettre bas une cinquantaine de lapereaux par an avec il est vrai une forte mortalité.
Bernard Larzillière, agriculteur céréalier à Chambry dans l'Aisne a perdu 15 de ses 20 hectares de colza, et trois hectares de blé. "C'est la première fois que je suis touché à ce point. Je suis vraiment écoeuré", explique-t-il. Pour les agriculteurs, les possibilités de recours sont faibles. Le lapin n'est pas considéré officiellement comme un gibier, mais comme nuisible. Les dégâts causés par l'animal ne sont donc pas indemnisés par les compagnies d'assurances, ni par les fédérations départementales de chasseurs. Seule solution pour les cultivateurs : se retourner contre les propriétaires de bois ou de friches, juridiquement responsables.
Hubert Séré, vice-président de la fédération des chasseurs de la Somme, et propriétaire d'un terrain dans le département, est ainsi poursuivi devant le tribunal d'Abbeville par deux agriculteurs, pour n'avoir pas chassé assez de lapins sur ses terres. "Je les chasse toujours, mais il semble qu'il en reste beaucoup. J'ai même grillagé une partie de ma propriété", témoigne-t-il. Ses voisins, dont les champs de céréales ont été partiellement endommagés, lui réclament 3.000 euros de dommages et intérêts. Des problèmes plus importants se posent quand les propriétaires sont des organismes tels que la Sanef (autoroutes), la SNCF, les Voies navigables de France ou l'Etat. "Pour des raisons de coût, ils négligent souvent l'entretien de leurs parcelles, véritables paradis pour les lapins", affirme Pascal Dumoutier, de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Pas-de-Calais.
De son côté, la Sanef affirme utiliser largement des furets pour capturer les rongeurs mais reconnaît que ces "actions ont un rendement très faible". Elle "réfléchit à la mise en place de nouvelles solutions". Pour mettre un terme à cette situation, certaines préfectures du Nord ont décidé de prolonger exceptionnellement la chasse aux lapins. D'autres voix plaident pour son ouverture précoce. "La saison (de chasse) prochaine, nous demanderons des mesures de prélèvement dès le mois d'août", prévient Arlette Moreau, directrice de la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles de Champagne-Ardenne.