Au troisième jour des travaux, commencés mardi, seuls une cinquantaine d'amendements (sur 476) et un seul article (sur 14) ont été examinés par les députés. La conférence des présidents a décidé jeudi d'ouvrir deux séances supplémentaires lundi de débats sur un texte déjà adopté le 8 février par les sénateurs. Défendu par le ministre d'Etat Jean-Louis Borloo (Ecologie) et sa secrétaire d'Etat Nathalie Kosciusko-Morizet, ce projet de loi controversé doit faire l'objet mardi d'un scrutin solennel, qui permettra de connaître le vote de chacun des députés.
Il a fallu près de douze heures de travaux, émaillés d'incidents et de joutes verbales, pour venir à bout de l'article premier où figure la formule "liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM", décriée par la gauche et le collectif anti-OGM, qui y voient "un net recul" par rapport au Grenelle de l'environnement. PS, PCF et Verts ont combattu pied à pied cet article, multipliant des prises de parole, citant à loisir les propos du sénateur UMP Jean-François Le Grand, qui mettait en cause l'impartialité des parlementaires sur le dossier OGM. Dans un entretien au Monde, le sénateur de la Manche a notamment dénoncé ceux qui "ont fait main basse sur l'UMP afin de défendre des intérêts mercantiles", allusion aux pressions des lobbies.
Deux amendements majeurs -le premier d'André Chassaigne (PCF), le second de François Grosdidier (UMP), visant à encadrer de façon "plus stricte" l'usage des OGM en France- ont été adoptés sur cet article. L'amendement Chassaigne stipule que les OGM ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect de l'environnement et de la santé publique, mais aussi "des structures agricoles, des écosystèmes locaux, et des filières de production et commerciales qualifiées +sans organismes génétiquement modifiés+, et en toute transparence". Adopté mercredi soir avec le soutien de plusieurs élus UMP, NC et MoDem, l'amendement PCF a fait l'objet de vifs échanges jeudi, la gauche craignant sa remise en cause par le gouvernement, en dépit des assurances répétées de M. Borloo.
L'amendement Grosdidier, voté à l'unanimité, précise que "la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM" doit se faire "sans que cela nuise à l'intégrité de l'environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité". Les élus de gauche ont défendu, en vain, une série d'amendements qui visaient à abaisser le taux de 0,9% d'OGM au-dessus duquel les produits doivent comporter la "mention OGM" au regard du règlement européen.
Tout au long des travaux, la tension était palpable, et il suffisait parfois d'un mot pour déclencher l'orage. "Les vrais voyous sont ceux qui prennent la responsabilité de contaminer les cultures de manière irréversible !", a lancé le bouillant député Verts Noël Mamère. "Arrêtez de dire que nous sommes des criminels écologiques et arrêtez de vous faire passer pour des anges !", a répliqué Bernard Debré (UMP). Avant la pause du dîner, les députés ont entamé l'examen des autres dispositions phare du projet: création du "Haut conseil des biotechnologies", "transparence", "coexistence" des cultures et autre "délit de fauchage".