Lors du sommet européen de juin, les Etats ont soutenu l'idée de la Commission de créer un "nouveau fonds de soutien à l'agriculture dans les pays en développement". Mais comme "cela arrive très souvent, les Etats membres prennent une décision de principe et quand il s'agit de la mettre en oeuvre, chacun pour sa part, on trouve 36.000 raisons pour contourner l'engagement que l'on a pris publiquement", a dénoncé M. Michel devant la commission Développement du Parlement européen. "Je ne suis pas prêt à être le complice silencieux de ces trucs-là", a-t-il affirmé, dénonçant les "contorsions" de certains pays pour "échapper à leurs engagements".
S'il n'a cité aucun pays, l'Allemagne s'est déjà montrée sceptique sur les propositions que doit faire la Commission cette semaine de prélever un milliard d'euros de fonds non utilisés de la Politique agricole commune (PAC) en 2008 et 2009 pour aider les pays pauvres à augmenter leur production agricole, par le financement notamment d'engrais et de semences. Pour convaincre les Etats membres, qui partagent l'autorité budgétaire avec le Parlement européen, le commissaire a appelé les eurodéputés à faire pression. "Si le Parlement nous soutient, c'est très difficile pour les Etats membres quels qu'ils soient de se débiner par rapport aux engagements qu'ils ont pris", a insisté M. Michel.
La proposition d'un milliard d'euros (750 millions en 2008 et 250 en 2009) que la Commission devrait finalement adopter vendredi, après l'avoir repoussée d'une dizaine de jours, vise à "faciliter l'accès aux intrants agricoles, par exemple les semences et les engrais" mais aussi à mettre en place "des mesures de type +filet de sécurité+ à caractère social (...) pour assurer les moyens fondamentaux en nourriture des populations les plus vulnérables", a expliqué le commissaire. Il a plaidé pour la mise en place d'une procédure de décision accélérée pour que les fonds puissent être effectivement débloqués avant la fin de l'année et suggéré pour cela une adoption par le Parlement en une "lecture unique" en octobre. "Le combat n'est pas gagné", a-t-il noté.
Alors que certains Etats, comme l'Allemagne, pourraient s'opposer à cette mesure pour récupérer les fonds non utilisés qui sont normalement redonnées aux budgets nationaux, d'autres pourraient aussi être confrontés à une levée de bouclier de leurs agriculteurs toujours sensibles quand on touche au budget de la PAC. "On ne leur pique rien du tout", s'est justifié Louis Michel. "Mais seulement pour leur démontrer qu'on ne leur prend rien, ce n'est pas si évident, parce que eux estiment que ce milliard est à eux et que ça devrait être redistribué à eux". "Mais cet argent là n'est pas au monde agricole, il est au budget européen", a-t-il insisté.
En adoptant cette proposition, l'UE lancerait "un signal fort de solidarité entre les agriculteurs européens et ceux des pays en développement. C'est une occasion unique de renforcer le blason de la PAC, qui en a bien besoin, soit dit au passage", a encore estimé le commissaire.