![]() Quel avenir pour les fruits et légumes en France sans les pesticides? (© Collectif sauvons les fruits et légumes) |
La baisse de l’utilisation de produits phytosanitaires décidée par l’Europe dans le cadre de la réforme de la directive 91/414 provoquera-t-elle un effondrement de la filière fruits et légumes en France ? C’est ce que craignent les organisations productrices de fruits et légumes.
Dans cette optique se sont réunis mercredi 26 novembre à l’Assemblée nationale différents intervenants, dont Jacques Remiller, député-maire de Vienne et président du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur les fruits et légumes, et Bernard Géry, porte-parole du Collectif sauvons les fruits et légumes et producteur de salade. Cette réunion a débuté avec la présentation de l’étude d’impact du plan de réduction des pesticides sur la production de fruits et légumes et s’est poursuivie sur une réflexion quant à l’avenir de la filière fruits et légumes « sans les pesticides », ainsi que sur la présentation de techniques « alternatives ».
L’étude réalisée par le Collectif sauvons les fruits et légumes de France rejoint les conclusions de l’étude globale réalisée par les organisations techniques du secteur. En effet, d’après le rapport de septembre 2008 de l’étude Ctifl, « la mise en œuvre de la réforme de la directive européenne 91/414 va accentuer les impasses (…), rendant quasi impossibles certaines productions sur le territoire français ».
![]() "Les produits phytosanitaires sont des médicaments pour les plantes. On ne fait qu'appliquer aux plantes ce qu'on fait déjà avec les hommes" a déclaré Claude Gatignol (© Collectif sauvons les fruits et légumes) |
« Les pesticides sont des médicaments pour les plantes », a déclaré Claude Gatignol, député Ump de la Manche.
L’utilisation des produits phytosanitaires permet d’assurer une production et un approvisionnement stable. Par conséquent, faire le choix de leur utilisation, reviendrait-il à celui de nourrir les hommes plutôt que de protéger l’environnement ? C’est ce qu’a sous-entendu, Claude Gatignol, précisant qu’il était nécessaire de revenir à une « agronomie oubliée, en prenant conscience de la notion de seuil quant aux doses utilisées, mais des choix étaient cependant indispensables ».
A l'image du slogan devenu culte, « les produits phytopharmaceutiques, c'est pas automatique »
L’objectif n’est donc pas de faire du 100% bio d’après les intervenants, mais bien de proposer aux agriculteurs une panoplie de lutte contre les maladies et ravageurs. Selon Claude Alabouvette, « l’essentiel est de mieux encadrer les agriculteurs en leur assurant une meilleure formation ». Ils ne sont pas les seuls concernés, le chercheur a également souligné l’implication de la distribution en termes de revalorisation des producteurs. Il en appelle aussi aux consommateurs à « accepter les petits défauts » et à ne pas demander systématiquement des produits « parfaits », au risque de valoriser une agriculture étrangère moins restrictive au niveau de la législation.
![]() "Avec un objectif de - 50% de pesticides, je dis attention aux agriculteurs et attention aux consommateurs" a mis en garde Pierre Feillet (© Collectif sauvons les fruits et légumes) |
« Aujourd’hui quand vous achetez des poireaux en catégorie extra, ils ne sont pas français », a déclaré Adeline Delmas de la Coordination Rurale.
Le retrait des molécules doit s’accompagner du développement de techniques de remplacement, ont conclu les intervenants. Plusieurs alternatives aux produits phytosanitaires ont été évoquées, comme la lutte biologique qui comprend entre autres l’utilisation d’insectes auxiliaires. D’autre part, « l’élimination des déchets des cultures précédentes, ou les rotations constituent de bons moyens de lutter contre les infections » a déclaré Claude Alabouvette, directeur de recherche à l’Inra de Dijon et spécialiste de la lutte biologique en agriculture. D’autres techniques comme l’utilisation de Sdn (stimulateurs des défenses naturelles), la solarisation, la biofumigation entre autres, sont aussi des alternatives à l’utilisation de pesticides.
« Des efforts sont réalisés par les professionnels pour utiliser moins de produits. L'important est d'avancer à la même vitesse pour ne pas que la France soit handicapée par ses réformes » ont déclaré les intervenants.
Somme toute, il est nécessaire « d’analyser l’impact du retrait des molécules avant de les supprimer du marché » a déclaré Bernard Géry. Comme l’a précisé Pierre Feillet, en effet, « la diminution de l’utilisation de pesticides pourrait entraîner le développement de champignons synthétisant des mycotoxines, comme la patuline », composés pouvant à forte doses représenter un poison violent. Consommées régulièrement, elles peuvent aussi être cancérigènes. «On ne peut pas traiter un point sans regarder ce qu’il se passe de l’autre. C’est un système totalement complexe et interactif » a-t-il ajouté.
![]() Reste maintenant à Jacques Remiller de fournir un rapport d'expertise sur les enjeux de la production de fruits et légumes. (© Collectif sauvons les fruits et légumes) |