Plus connue sous l'appellation ouvriers «Omi» pour Office des migrations internationales -l'organisme par l'intermédiaire duquel ils étaient recrutés dans leur pays d'origine-, cette main-d'oeuvre devait initialement permettre aux exploitants agricoles de faire face à des périodes d'intense activité comme la cueillette des fruits.
Les «Omi» venaient majoritairement du Maroc mais aussi de Tunisie ou de Pologne avant l'entrée de ce pays dans l'UE. Leurs contrats ne devaient pas dépasser six mois par an avec une dérogation exceptionnelle de deux mois supplémentaires, période à l'issue de laquelle ils devaient rentrer chez eux dans l'attente d'un nouvel engagement.
Pour le Collectif de défense des travailleurs étrangers dans l'agriculture (Codetras) constitué en 2002, un bon millier de ces 4.000 ouvriers Omi employés en France n'avaient de saisonniers que le nom. «Certains ont travaillé chez le même exploitant pendant 30 ans, avec à chaque fois des contrats de huit mois», explique un membre du collectif, Denis Natanelic. Mais cette régularité ne leur a ouvert aucun des droits acquis par n'importe quel salarié, dénonce le Codetras: pas d'évolution salariale, pas d'assurance maladie, pas d'allocations chômage et pas de retraite non plus.
Main-d'oeuvre docile et à bas coût
Les agriculteurs des Bouches-du-Rhône ont ainsi bénéficié d'une main-d'oeuvre à bas coût et docile. Saisie en mars 2007 par le collectif, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) est arrivée aux mêmes conclusions. Dans son avis du 15 décembre 2008, elle parle de travailleurs «sans droit», reconnaît «un détournement de l'objet des contrats saisonniers» et recommande de requalifier leurs contrats en Cdi et de les indemniser «au regard du préjudice subi».
La Halde a également préconisé «le réexamen» par le ministère de l'Immigration de leur situation «en vue de la délivrance d'un titre de séjour». Des saisonniers ayant engagé des démarches en ce sens auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône, se sont d'abord heurtés à un refus. Le tribunal administratif de Marseille leur ayant à plusieurs reprises donné raison, le préfet a finalement accordé fin 2008 un titre de séjour d'un an à tout saisonnier pouvant prouver dix contrats de huit mois. «C'est une grande avancée, commente M. Natanelic, mais que deviennent ceux qui n'ont travaillé que quatre à six mois pendant des années ?»
![]() Les saisonniers étrangers ont entamé une nouvelle bataille pour la reconnaissance de leur ancienneté. (© Terre-net Média) |
Les saisonniers étrangers ont entamé une autre bataille: celle de la reconnaissance de leur ancienneté. Vingt-quatre d'entre eux viennent de remporter une victoire devant les prud'hommes d'Aix-en-Provence, après quatre ans de démarche et «malgré des pressions de toutes sortes», souligne Jean-Yves Constantin, de l'UD-Cfdt.
Licenciés d'un domaine de Berre en dépôt de bilan après 30 à 40 ans d'embauche pour certains, ils ont obtenu au total un million d'euros d'indemnités. Ces avancées font craindre au Codetras que les exploitants ne se détournent de cette main-d'oeuvre au profit de nouveaux saisonniers venus d'Equateur ou d'ailleurs. Mais le secrétaire général de la Fdsea 13, Serge Mistral, se veut rassurant: «Les employeurs sont contents d'avoir un salarié qui connaît le domaine et le travail.»