« Les agriculteurs plongent dans le grand bassin, sans bouée »

« Les agriculteurs plongent dans le grand bassin, sans bouée »


L’agriculteur doit intégrer le fait qu’il évolue aujourd’hui dans un contexte complètement libéralisé, où c’est la loi des marchés, et donc le rapport offre / demande, qui régit les prix. (© Terre-net)
« Lagriculteur se situe entre le marché et la politique, explique Philippe Chalmin*. Deux contraintes qu’ils doivent prendre en compte, car depuis deux ou trois ans, elles connaissent toutes deux une profonde évolution. » La première contrainte marché est liée à la forte instabilité des prix : « Excepté en 2004, année après année, les marchés sont structurellement déficitaires, analyse l’expert. Pendant 5 ans, la production mondiale a été inférieure à la consommation mondiale ; les stocks n’ont jamais été aussi bas que l’an passé. Le monde a réalisé en 2008 la peur de manquer : le rideau de l’abondance est tombé, et les prix ont flambé. On a donc assisté à un choc majeur des prix agricoles l’année dernière, poursuit Philippe Chalmin. Les prix ont été multipliés par 4, voire 5, sur certaines cultures, atteignant quasiment 300€/tonne prix fob Rouen». L’explication ? Une évolution du rapport offre/demande qui a fait flamber les prix. Une mauvaise récolte en Ukraine et la sécheresse en Australie ont « allumé l’étincelle ».

S’en est suivie l’année 2008-2009, qui a par contre été une très bonne année en terme de récoltes pour tous les pays : « Les conditions climatiques ont été quasiment optimales partout. La production mondiale a atteint pour la première fois de son histoire 2,2 milliards de tonnes; » Ajouté à cela une crise économique mondiale, et vous avez une baisse des prix des produits agricoles sur le marché mondial de l’ordre de 30% à 50%... mais des prix, qui selon lui, « restent comparativement aux autres prix des matières premières, assez soutenus ».

Le défi de doubler la production en deux générations

Philippe Chalmin rappelle que cette forte instabilité n’est pas uniquement le lot des prix agricoles. C’est aussi le cas des matières premières – prix du baril de pétrole, engrais, métaux - qui ont aussi énormément fluctués ces dernières années. L’agriculteur doit intégrer le fait qu’il évolue aujourd’hui dans un contexte complètement libéralisé, où c’est la loi des marchés, et donc le rapport offre / demande, qui régit les prix.

Et cette demande n’est pas prête de se tarir, car l’agriculture doit répondre au défi majeur de nourrir la planète : « Il s’agit de multiplier par deux la production agricole mondiale d’ici deux générations et à SAU** quasiment constante, afin de nourrir les 9 ou 10 milliards d’hommes prévus pour 2070, contre 6,5 milliards en 2009 ! », raconte Philippe Chalmin. Et cette demande est d’autant plus forte que « l’effet richesse » des populations augmente. Les populations des pays émergents veulent « bien manger » et diversifient leur alimentation en y intégrant des protéines, de la viande. « Nous allons avoir besoin de plusieurs révolutions vertes !» s’inquiète l’expert.

Les protections tombent

La seconde contrainte à intégrer par l’agriculteur et qui impacte directement sur l’offre est la politique agricole, « en pleine évolution » elle aussi, au niveau mondial mais aussi européen : « Il y a eu une rupture fondamentale pendant l’été 2006 : la Commission européenne a abandonné son système de régulation par le marché ; les prix européen étaient inférieurs aux prix mondial, et la Commission européenne n’a rien fait, raconte l’expert. Cette évolution est fondamentale, car on passe d’un prix régulé à un prix instable, le prix d’intervention étant quasiment en train de disparaître. On a refermé la page d’une histoire ouverte le 15 août 1936. D’un univers protégé, dans un petit bassin où vous (ndlr : les agriculteurs) barbotiez avec des bouées, vous passez à un grand bassin sans bouée… ».

Depuis cette date, les prix européens sont directement corrélés aux prix mondiaux, et suivent une évolution parallèle (fob Rouen / fob Golfe). C’est une évolution majeure que vivent les céréaliers, qui sont devenus « des acteurs des marchés ». Cela suppose un changement radical dans la gestion des marchés, avec des prix élevés plus régulièrement et une incertitude plus grande. « Demain, le prix sera différent d’aujourd’hui. Les agriculteurs devront apprendre à gérer le risque, anticiper, et donc forcément spéculer dans l’utilisation des marchés ».

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