Pour reprendre un terme employé le 19 octobre dernier par Mariann Fischer Boël à Luxembourg (1), l’agriculture est la « poule aux œufs d’or » de l’Argentine et l’état argentin ne cesse de la déplumer. Ce qui n’est pas sans conséquences agronomiques. « La pression fiscale a renforcé la tendance à l’extension de la production du soja et des Ogm dont l’emploi, en parallèle avec le semis direct permet une double culture par an », analyse Guillermot Hillcoat, contributeur du Démeter 2010.
La fiscalité agricole responsable de la "sojaïsation" de l'agriculture
en Argentine (© Terre-net Média)
Ce n’est donc pas tant les débouchés à l’export qui conduisent les producteurs de soja argentin à consacrer toujours plus de leurs surfaces à cette protéagineuse mais un savant calcul économique et fiscal. Et son résultat paraît pour le moins paradoxal.
Taxé à 56,4 %
Tout d’abord, l’Etat argentin prélève des taxes à l’exportation pour atteindre 35 % en octobre 2007 (taux constamment revu au gré des besoins budgétaires). A ce prélèvement, s’ajoutent les impôts fonciers, sur les sociétés et sur le revenu. Au total, le taux de prélèvements était en 2007 de 56,4 % pour le soja, un taux qui n’a pas baissé depuis car l'Argentine compte sur les recettes fiscales à l'exportation pour rembourser la dette nationale du pays.
Résultat, la politique économique et fiscale argentine a empêché les éleveurs de profiter du niveau élevé des cours des produits agricoles.
« Les taxes à l’export ont un effet distorsif en matière de calcul économique car elles interviennent avant les résultats d’exploitation. Elles constituent un impôt avant impôt et, de fait, un coût supplémentaire dans l’équation de la rentabilité agraire », écrit l’auteur de l’article de Demeter 2010.
Toutes les principales cultures argentines sont soumises à un tel régime fiscal mais à des taux de prélèvements plus faibles que le soja.
Par ailleurs, cette pression fiscale accrue a coïncidé avec la hausse des coûts des intrants induits par la forte dévaluation du peso (monnaie argentine) et un renchérissement des produits importés dérivés du pétrole (engrais +73 % en décembre 2007 et mai 2008 par exemple) bien supérieur aux prix des céréales et aux oléprotéagineux exportés (+33 % pour le blé, 44 % pour le maïs et + 5 % pour le soja).
Le soja par dépit !
Au total, non seulement le revenu brut du producteur de soja dépend des coûts de production et des prix internationaux mais il est aussi lié à la parité du taux de change du peso et au taux de taxation des exportations. Et pour toute ces raisons, le revenu à l'hectare diminue depuis plusieurs années.
Mais malgré cet état de fait, « c’est dans le but de maximiser leurs gains et de minimiser leurs risques que les producteurs choisissent le soja dont la culture nécessite deux fois moins d’investissements à l’hectare que le blé, assurant sinon le meilleur prix du moins le moins erratique ».