1-Les eaux pluviales
![]() Les servitudes en question (© Terre-net Média) |
Le propriétaire du fonds inférieur ne peut donc prétendre se faire indemniser par le propriétaire du fonds supérieur des dommages causés à son bâtiment par le ruissellement des eaux de pluie. La main de l’homme ne devant pas être intervenue, il en découle que le propriétaire du fonds inférieur n’est pas obligé de tolérer l’écoulement des eaux provenant de la toiture d’un bâtiment du fonds supérieur. Ainsi, lorsqu’une propriété de quelques nature qu’elle soit (maison, hangar, garage, ferme, …) comporte des toits, ceux-ci doivent être établis de manière que « les eaux pluviales s’écoulent sur le terrain du propriétaire des toits ou sur la voie publique » (Article 681 C. civ.). Le propriétaire des toits ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin.
Les eaux pluviales sont la propriété de celui qui les reçoit. Il peut les utiliser ou les laisser écouler. L’article 641 du code civil dispose en effet que tout propriétaire a le droit d’user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds. Toutefois, si l’usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d’écoulement, une indemnité sera due au propriétaire du fonds inférieur.
En cas de contestation sur l’établissement ou l’exercice d’une servitude aggravée ou sur le montant de l’indemnité, le juge du tribunal d’instance doit concilier les intérêts de l’agriculture et de l’industrie avec le respect dû à la propriété. Il découle du texte de l’article 641 du code civil que l’aggravation de la servitude du fonds inférieur n’est permise que dans un but agricole ou industriel.
2-Les eaux de source
Définition Selon l’article 637 du Code civil, les servitudes sont « une charge imposée sur un héritage (un bien) pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire. » Par exemple, un droit de passage sur une parcelle. Il est donc indispensable qu’il y ait deux fonds : un fonds dominant bénéficiaire d’une servitude active (le droit de passage) et un fonds dit servant débiteur d’une sécurité passive (le chemin de la parcelle). L’article 637 veut que la servitude soit imposée pour l’usage et l’utilité d’un héritage. Cette obligation doit être largement appréciée, la simple notion d’agrément étant en général retenue par les juges. Les servitudes sont par nature perpétuelles, et durent donc autant qu’existent les fonds qu’elles concernent (dans notre exemple la parcelle). Elles ne s’éteignent pas au décès des propriétaires, mais seulement quand le bien auquel elles se rattachent disparaît. La stipulation d’une servitude temporaire est toutefois licite. |
Les eaux de source nées sur un fonds appartiennent au propriétaire du fonds. Il peut soit les utiliser, soit les écouler (Article 641 C. civ.).
Pour remédier aux inconvénients résultant d’une modification du régime d’écoulement des eaux, les juges peuvent ordonner le partage des eaux d’une source entre le fonds supérieur et des fonds inférieurs.
L’article 642 du code civil limite quelque peu les droits des propriétaires d’une source. Il pose d’abord le principe que celui qui a une source dans son fonds peut toujours user des eaux à sa volonté « dans les limites et pour les besoins de son héritage ». Il ne peut toutefois pas les corrompre et envoyer aux propriétaires des fonds inférieurs des eaux impropres à l’agriculture ou à l’usage domestique.
L’article 642 dispose ensuite que le propriétaire d’une source « ne peut plus en user au préjudice des propriétaires des fonds inférieurs qui, depuis plus de 30 ans, ont fait et terminé, sur le fonds où jaillit la source, des ouvrages apparents et permanents destinés à utiliser les eaux ou à en faciliter le passage dans leur propriété ».
3-Les eaux courantes
L’article 98 du code rural dispose que le lit des cours d’eau non domaniaux appartiennent aux propriétaires des deux rives, chacun d’eux ayant la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l’on suppose tracée au milieu du cours d’eau, sauf titre ou prescription contraire.
Si le lit d’un cours d’eau appartient aux riverains, ceux-ci n’ont qu’un droit d’usage sur les eaux courantes. L’article 97 du code rural pose en effet le principe que les riverains n’ont le droit d’user de l’eau courante qui borde ou qui traverse leurs héritages que dans les limites déterminées par la loi. Ils sont tenus de se conformer, dans l’exercice de ce droit, aux dispositions des règlements et des autorisations émanées de l’administration (notamment arrêté préfectoral ou arrêté municipal).
En ce qui concerne les limites déterminées par la loi, il y a lieu de se reporter aux dispositions de l’article 644 du code civil selon lesquelles :
-Celui dont la propriété borde une eau courante, autre que celle qui est déclarée dépendante du domaine public, peut s’en servir à son passage pour l’irrigation de ses propriétés ;
-Celui dont cette eau traverse l’héritage, peut même en user dans l’intervalle qu’elle parcourt, mais à la charge de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire.
Les droits que les riverains tiennent de l’article 644 leur sont réservés. Ils ne se perdent pas par le non usage, si prolongé soit-il. Seule la prescription trentenaire acquise au profit des propriétaires inférieurs par des travaux apparents contredisant l’article 644 du code civil peut faire perdre leurs droits aux riverains.
Mais il faut que les fonds soient réellement riverains, qu’ils bordent une eau courante ou que celle-ci les traverse. Si une simple clôture ne peut ôter à un fonds le caractère de riverain d’une eau courante il n’en est pas de même d’un chemin public ou appartenant à un tiers qui sépare les eaux du fonds.
4-Servitude de passage des eaux utiles ou d’aqueduc
Les limites des servitudes Une servitude ne peut être créée que sur des immeubles par nature (parcelle, fontaine) et non sur des immeubles par destination. Il ne peut pas y avoir de servitude sur un usufruit ou sur une autre servitude. L’usufruit est d’ailleurs attaché à une personne alors que la servitude est attachée à un fonds. Mais l’usufruitier jouit des droits de servitude attachés au fonds bien que la propriété du fonds appartienne au nu-propriétaire. L’article 639 du code civil pose le principe que les servitudes peuvent découler : - de la situation naturelle des lieux, |
L’article L. 152-14 du code rural a créé une servitude de passage des eaux utiles, dite servitude d’aqueduc. Il dispose en effet que « toute personne physique ou toute personne morale qui veut user pour l’alimentation en eau potable, pour l’irrigation ou, plus généralement, pour les besoins de son exploitation, des eaux dont elle a le droit de disposer, peut obtenir le passage par conduite souterraine de ces eaux sur les fonds intermédiaires, dans les conditions les plus rationnelles et les moins dommageables à l’exploitation présente et future de ces fonds, à charge d’une juste et préalable indemnité ».
La provenance des eaux importe peu : source, eau courante, … Mais la servitude ne peut être invoquée que par celui qui a le droit d’en disposer (propriétaire ou tiers non riverain ayant acquis la faculté de disposer des eaux). Le locataire ou l’usufruitier ne peut être considéré comme ayant ce droit.
En vertu de l’article L. 152-15 du code rural, les eaux usées provenant des habitations alimentées et des exploitations desservies en application de l’article L. 152-14, peuvent être acheminées par canalisation souterraine vers des ouvrages de collecte et d’épuration sous les mêmes conditions et réserves que leur amenée.
L’exercice de la servitude d’aqueduc nécessite l’accord des parties. Elle peut aussi s’acquérir par la prescription trentenaire.
5-Servitude d’appui
L’article L. 152-17 du code rural dispose que « tout propriétaire qui veut se servir, pour l’irrigation de ses propriétés, des eaux naturelles ou artificielles dont il a le droit de disposer, peut obtenir la faculté d’appuyer sur la propriété du riverain opposé les ouvrages d’art nécessaires à sa prise d’eau, à la charge d’une juste et préalable indemnité. »
Il faut remarquer que la servitude d’appui ne peut être invoquée que pour l’irrigation des propriétés et qu’elle ne peut être demandée que par celui qui a le droit de disposer des eaux.
Le riverain que le fonds duquel l’appui est réclamé, peut toujours, en vertu de l’article L. 152-18 du code rural, demander l’usage commun du barrage, en contribuant pour moitié aux frais d’établissement et d’entretien.
6-Servitude d’écoulement des eaux nuisibles
L’article L. 152-20 du code rural établit une servitude d’écoulement des eaux nuisibles en stipulant que « tout propriétaire qui veut assainir son fonds par drainage ou un autre mode d’assèchement peut, moyennant une juste et préalable indemnité, en conduire les eaux souterrainement ou à ciel ouvert à travers les propriétés qui séparent ce fonds d’un cours d’eau ou de toute autre voie d’écoulement. »
Précisons que la servitude d’écoulement des eaux nuisibles profite à toutes les eaux d’infiltration (naturelles ou amenées artificiellement) et qu’elle ne concerne que les propriétés rurales. Elle peut être invoquée même s’il n’y a pas impossibilité absolue, mais seulement difficulté de faire écouler les eaux autrement que par les propriétés voisines.
Nous publions durant quatre semaines quatre articles de droit rural portant sur les servitudes. Des liens vous permettront d’y avoir accès au fur et à mesure de leur parution. Pour lire les articles, cliquer sur: |