![]() Xavier Beulin et José Bové à la même table (© Terre-net Média) |
Ensemble sur la même tribune. C’est l’exploit auquel est parvenu l’Afja, l’association française des journalistes agricoles, en invitant José Bové, député européen et Xavier Beulin, vice président de la Fnsea et président du conseil d’administration de FranceAgrimer, lors du colloque « Europe, régulation et agriculture : sortir de la crise et préparer l’après 2013 ». Il s’est tenu mardi 17 novembre 2009 à Paris.
Un colloque qui a davantage porté sur « Europe, régulation et agriculture » que sur « sortir de la crise et préparer l’après 2013 ».
Si, aux dires des deux invités d’honneur, c’était la première fois que ceux-ci échangeaient leurs points de vue, ce débat a surtout eu le mérite de constater qu' en cette période de crise agricole, leurs points de vue les rapprochent plus qu’ils ne les séparent.
Ainsi, parmi les sujets traités ce mardi soir, qui ont paru plutôt consensuels, l’instauration de Dpu variables et la dérégulation.
Profitable à tous
La préférence communautaire doit être associée à une volonté de favoriser le développement agricole dans d’autres régions du Monde à condition cependant qu’elles ne soient pas des trappes à pauvreté. Autrement dit, il faut que l’Afrique de l’ouest, en l’occurrence, attire des capitaux pour moderniser l’agriculture. Des capitaux qui pourraient provenir de la collecte de la Taxe carbone qu’il serait judicieux d’instaurer à l’échelle européenne afin de protéger l’Union des distorsions de concurrences dont elle est victime. Au sein même de l’Europe, le fonctionnement harmonieux de l’Union passera aussi par une harmonisation très rapide des règles environnementales et sanitaires à défaut d’envisager celles à mettre en place au niveau social compte tenu des différences de niveaux de développement. |
Des Dpu variables, dont les montants varieraient en fonction des marchés : José Bové et Xavier Beulin y sont favorables. « Mais on ne peut se satisfaire de ça, car ils ne constituent en rien un instrument de régulation de la production », précise de son coté Xavier Beulin .
Et puis deux problèmes se posent. « Que faire des excédents budgétaires lorsque les marchés sont porteurs? Et en période crise, l’Union serait-elle prête à voter une rallonge budgétaire », s’interroge Hervé Guyomard, économiste à l’Inra et invité comme expert au colloque.
Soutenir la production
« Le découplage et les Dpu variables ne doivent pas être non plus vécus comme un dogme. D’autres outils sont nécessaires pour réguler la production », ajoute Xavier Beulin. Il faudra par exemple associer à ces droits, selon Hervé Guyomard, d’autres instruments de stabilisation du marché et d’assurance. Des instruments qui seraient financés en prélevant sur les Dpu .
Poursuivant sa réflexion sur le sens à donner aux Dpu, José Bové ajoute : « Je ne crois pas au transfert du découplage du premier pilier vers le second. Les aides ne peuvent pas ne soutenir que ce qui n’est pas productif et rémunérer par conséquent les services non marchants fournis par les agriculteurs ». Thèse du reste défendue par les conservateurs britanniques.
![]() « Ce ne sont pas les excédents mondiaux de céréales ou de lait qui doivent guider la Pac à conduire » (José Bové, eurodéputé).(© Terre-net Média) |
« Pour être plus équitable, la politique de soutien doit prendre en compte les différents types de productions et ne pas seulement s’appuyer sur les Aoc, explique encore Xavier Beulin. Il faut donc imaginer des soutiens modulables en fonction du type de produit (Aoc, production de masse…). Car le marché ne peut pas former seul le revenu des agriculteurs ».
Contractualisation
Autre prise de position consensuelle, l’espoir des deux débateurs de voir le Parlement européen, devenu codécisionnaire en matière de politique agricole, jouer pleinement son rôle. La crise du lait a suscité quelques prises de consciences fédératrices. Elle a fait prendre conscience à Bruxelles, et au Parlement européen en particulier, que le renforcement des organisations des producteurs s’impose.
A l’avenir, « gageons que la prochaine Pac redonnera une ambition à l’Union pour défendre sa place dans le Monde et empêcher ainsi l’Omc de traiter les questions agricoles », a déclaré Xavier Beulin. « L’agriculture doit donner à l’Europe les moyens d’assurer sa souveraineté alimentaire », finit-il.
La contractualisationParmi les sujets traités mardi soir, c’est peut être sur celui qui a porté sur la contractualisation que les divergences entre les deux débatteurs ont été les plus marquées. Selon José Bové, telle qu’elle se présente, la contractualisation est l’asservissement assuré des agriculteurs. Aussi, il est important de construire un rapport de forces entre les producteurs et la transformation et d’inventer pour cela des outils collectifs adéquats. « C’est aux politiques de les trouver », affirme t-il. Une loi qui devra, selon Xavier Beulin, « redéfinir la ligne de partage entre l’action de la puissance publique et d’autre part, la place que les producteurs pourraient avoir dans le fonctionnement des marchés avec pour objectifs : redonner à la profession les moyens d’être un acteur de la filière et assurer un partage efficace de la valeur ajoutée entre les différents maillons ». « Le développement des interprofessions pourrait être une solution puisque ces structures respectent les producteurs », propose José Bové. « Des interprofessions à l’image de celle du Roquefort », ajoute t-il. |