« Nous ne pouvons comparer que ce qui est comparable » (Snfm)

« Nous ne pouvons comparer que ce qui est comparable » (Snfm)

(© Terre-net Média)
L’argument est souvent le même : le statut du fermage français est le plus protecteur d’Europe pour les fermiers. Mais comparer des régimes juridiques différents sans mettre en parallèle le contexte socio-économique est certainement facile mais pas très opportun. Pour la Snfm, il est évident que nous ne pouvons comparer que ce qui est comparable.

Ainsi si la Belgique est régie par un système juridique très proche du notre, cela s’explique par le fait que notre agriculture et notre gestion du foncier sont très comparables. Le statut du fermage belge est donc quasiment identique au statut français mais avec la possibilité ouverte au locataire de sous-louer ou céder son bail à un tiers avec l’autorisation écrite préalable du bailleur.

La Grande-Bretagne symbolise à elle seule le régime purement libéral. Et il est vrai que depuis 2006, le propriétaire et le locataire ont la possibilité de conclure une location d’une durée, d’un loyer et avec des engagements contractuels choisis librement. Les régimes antérieurs plus encadrés ne sont pas pour autant supprimés et vont donc coexister avec de nouveaux contrats négociés de gré à gré avec l’intervention systématique d’avocats.

Bien entendu, il est évident que l’agriculture britannique n’est pas l’agriculture française et les structures agricoles sont elles mêmes très différentes. Outre-manche, les exploitants agricoles individuels font couramment appel à d’autres professionnels sous-traitants comme pourraient le faire des agriculteurs faisant appel à des entrepreneurs de travaux agricoles. Un statut de locataire n’est donc certainement pas le mieux adapté à ce type de situation.

En Espagne, une loi récente de 2003 reconnaît la primauté de l’autonomie des volontés entre les parties. Nous pouvons donc imaginer que la liberté contractuelle est la règle. Mais le système espagnol n’est pas si simple. En effet, mise en application en 2004, cette loi libérale a été contrée par une nouvelle loi de novembre 2005 qui réintroduit des garanties pour le locataire comme par exemple le droit de préemption. Pouvons-nous nous inspirer de ces choix dans la mesure où les espagnols eux-mêmes ont du mal à appliquer les lois successives ? Après la loi agricole de 2003, la nouvelle loi votée en 2005 n’a fait qu’empiler une nouvelle couche de règles et compliquer la situation. En Espagne, quatre types de contrats coexistent en parallèle et relèvent de lois différentes (1980, 1995, 2003 et 2005).
Le peu d’intérêt pour les contrats de baux s’explique certainement par le fait qu’en Espagne, près de 94 % des exploitations sont gérées en faire-valoir direct et qu’elles représentent environ 74 % de la superficie agricole.

En Allemagne, une certaine liberté contractuelle est de rigueur. Toutefois, le syndicalisme agricole allemand particulièrement puissant a mis en place des modèles de baux bien appliqués par les bailleurs comme par les preneurs. Même si la liberté existe en théorie, elle n’est finalement pas exercée en pratique dans la rédaction des baux. Il est vrai que les allemands sont très attachés au respect des modèles de baux élaborés par le syndicalisme agricole. Mais ce caractère respectueux des règles n’explique pas tout. La situation de la propriété permet également de comprendre cette uniformisation des contrats malgré l’absence de règles d’ordre public.

A l’exception des propriétés en faire-valoir direct, les locations conclues par des institutions sont fréquentes. En effet, les propriétés communales, régionales et nationales sont très nombreuses et le clergé possède également une grande partie des terres agricoles. Cette grande part de bailleurs « institutionnels » en Allemagne permet donc une certaine stabilité dans les modèles de baux présentés avec une durée de six ou neuf ans.

Si nous voyons bien que la liberté contractuelle est toute relative, les dernières avancées législatives en Allemagne vont dans le sens d’une plus grande protection pour le preneur, avec des règles qui s’imposent aux signataires d’un bail. Ainsi, si la suppression d’un bail ou de surfaces louées menace l’existence de l’entreprise, le preneur peut demander le prolongement du bail auprès du tribunal. Les juges peuvent alors prolonger le contrat jusqu’à dix-huit ans lorsque celui-ci porte sur une entreprise entière.

L’Italie est souvent prise en modèle par ceux qui vantent son libéralisme encadré. Qu’en est-il vraiment ? Il faut se rappeler tout d’abord que le système italien est très proche du notre. En Italie, une loi de 1982 a mis en place un dispositif d’exception qui permet de déroger à presque toutes les dispositions de l’équivalent du statut du fermage. La seule condition à respecter est que cette négociation contractuelle soit faite avec la participation de deux organisations syndicales, lesquelles doivent approuver et souscrire le document contractuel. C’est donc cette possibilité de dérogation qui intéresse tout particulièrement certains bailleurs français.

Il faut savoir qu’une ébauche de cette formule existe déjà en France avec la réglementation sur le bail cessible. En effet, la signature d’un bail cessible hors du cadre familial autorise déjà les parties à déroger à certaines dispositions du statut du fermage à la condition que ces clauses dérogatoires soient validées par la commission consultative départementale des baux ruraux où siègent les organisations représentatives des bailleurs et des preneurs.

Un tel système peut-il s’appliquer plus largement en France ? Si les italiens ont développé cette possibilité, elle répond avant tout à une relation très spécifique entre le foncier et l’agriculture. Il faut souligner que les terres mises à bail ne représentent que 20 % de la surface agricole. Et surtout, la relation entre propriétaire et fermier n’est pas la même qu’en France. Les propriétaires italiens sont très liés à la terre familiale et donc peu disposés à la vendre. La relation entre le fermier et son propriétaire est donc très personnelle, bien plus qu’en France.

Ces exemples montrent que la loi répond toujours à des situations de fait bien spécifiques. Il est donc particulièrement difficile de comparer des réglementations étrangères en voulant les appliquer à notre propre cas. Chaque pays a une histoire, une sociologie et surtout une agriculture très différente. La réglementation, en particulier agricole, y colle et y répond spécifiquement.

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