Une baisse de 30 % est possible en améliorant la marge brute

Une baisse de 30 % est possible en améliorant la marge brute


Réduire si possible les produits phytosanitaires de 50 % d'ici 2018.
(© Terre-net Média)
Les experts de l'Inra se sont basés sur l’année 2006, « qui peut être considérée comme une année moyenne », afin de procéder à l’état des lieux de l’utilisation des produits phytosanitaires en France (*). Cette année là, 68 % des dépenses nationales en produits phytosanitaires concernaient les grandes cultures. L’Ift, c’est-à-dire ‘l’indicateur de fréquence de traitement’, a été de 3,9 traitements en moyenne toutes grandes cultures confondues. Mais « toutes les cultures ne contribuent pas à la même hauteur à cette pression pesticide, indique Laurence Guichard, de l’Inra Grignon qui a participé aux travaux. Leur contribution dépend de leur ‘Ift’, très variable d’une culture à l’autre, et de la surface qu’elles occupent sur le territoire ». A titre d’exemples, la pomme de terre a, de loin, le plus fort Ift avec 16,7 traitements, celui du colza 6,1, celui du blé tendre 4,1, celui du tournesol 2,1.

Les experts ont également dressé un état des lieux des pratiques des agriculteurs en fonction des modes de conduite : selon les principes agronomiques mis en œuvre et le degré d’utilisation de produits phytosanitaires, cinq niveaux ont été déclinés, correspondant à une utilisation croissante : N0, correspondant au niveau "intensif", N1, correspondant à la "protection raisonnée", N2a et N2c correspondant au niveau "protection intégrée", et N3, correspondant à "l’agriculture biologique" (►voir graphique 1). 
Graphique 1: Cinq niveaux d'utilisation des produits phytosanitaires ont été repertoriés en France par les chercheurs de l'Inra, au regard des principes agronomiques mis en oeuvre et de leur recours aux produits phytosanitaires

Les chercheurs ont caractérisé et évalué les performances respectives de chaque niveau et pour chaque culture, à partir de nombreuses sources d’informations, expertises, et données expérimentales. Cette évaluation a été faite sur les plans agronomiques (rendement) et phytosanitaires (Ift), mais aussi sur les plans économiques avec l’estimation de la marge brute, du bilan azoté, de l’énergie et du temps de travail. La principale conclusion qu’ils en tirent est qu’il existe « des marges de manœuvre agronomiques en grandes cultures. Mais que toutes les cultures ne réagissent pas de la même façon à des conduites économes en pesticides ». Les chercheurs estiment que si les toutes les interventions passaient par exemple au niveau N1 (protection raisonnée), le nombre de traitements (Ift) pourrait être réduit de 3 % pour le pois de printemps à 40 % pour le maïs, par rapport à une conduite intensive (N0)... et ce, sans affecter le rendement. Ce changement passerait par « un raisonnement accru des interventions basé sur une mobilisation large des outils d’aide à la décision existants et d’observation au champ » (►voir graphique 2).

Graphique 2: Le tournesol (en rouge) verrait même son rendement supérieur en cas de passage à un système de protection raisonnée, de +10 %, et avec une réduction de l’Ift de -18% par rapport au système intensif. Pour le blé tendre (losange vert), baisser l’Ift de 30 % serait possible sans baisser le rendement par rapport au système intensif. L'Ift du pois de printemps (rond bleu) ne pourrait être
réduit que de 3 %

 

La pomme de terre et le colza plus affectés

Un passage en protection intégrée (N2a) des grandes cultures permettrait, en fonction des cultures, une forte diminution d’intrants phytosanitaires : de l’ordre de 37 % à 62 % par rapport à une conduite intensive. Ces chiffres passeraient à 45 % et 76 % dans le cas d’un passage au niveau 2c (production intégrée). Les rendements seraient affectés mais la marge brute serait maintenue, voire augmentée, pour la plupart des cultures. La réduction des rendements serait de l’ordre de 10 % en moyenne sur céréales à paille, mais entre 15 % et 20 % pour le colza et la pomme de terre, qui sont les cultures « dont le rendement est le plus affecté par des conduites économes, traduisant leur grande sensibilité à divers agresseurs ». La pomme de terre verrait également sa marge brute fortement dégradée avec 20 % environ de baisse (►voir graphique 3). Pour les céréales, une réduction de l’Ift de 50 % est obtenue en conduite N2a, sauf pour l'orge (►voir graphique 4). Les baisses de rendement n’excèdent pas 10 %.

Graphique 3 : pasage en protection intégrée N2a : pomme de terre et colza voient leur rendement baisser de manière (© D.R.)

 

Graphique 4: passage en protection intégrée N2c : Une réduction de l’Ift de 50% est obtenue en conduite N2c pour l'orge (© D.R.)

Ce passage au niveau N2 impliquerait de « dépasser la logique d’optimisation des intrants et appliquer les principes de gestion agronomique qui marquent une vraie rupture dans les pratiques, estime Laurence Guichard. Cela nécessite, pour le passage à la protection intégrée, de repenser les itinéraires globalement, et pour la production intégrée, de repenser les systèmes (rotation) ».

A titre d’exemples, date et densité de semis, fertilisation, choix variétal, ou même rotation et alternance dans le travail du sol dans le cas du niveau 2c, peuvent être des « leviers très puissants pour diminuer l’utilisation des pesticides ». « Cette hypothèse pose par contre la question des volumes de production totale de la ferme France et plus spécifiquement pour le passage en N2c, celle de l’assolement et de l’organisation des filières », précise la chercheuse. « Nous n’arriverons pas à l’objectif du Grenelle simplement en raisonnant mieux les pratiques, notamment par les Oad, conclut la chercheuse. Il faut repenser les itinéraires globalement, pour en amont diminuer le risque d’attaques de bioagresseurs. Et ensuite, s’il y a risque, on utilise les Oad et on traite ».

Réduire de 40% l'utilisation des produits phytosanitaires sans baisser la marge

Enfin, dernier volet de l’étude pour les grandes cultures, les chercheurs ont voulu connaître les possibilités de « combiner » ces différents niveaux (N0, N1, N2 et N3) chacun étant pris à leur niveau maximum de marge brute. Les chercheurs sont partis de l'hypothèse qu'il était « plus facile » de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires par ce biais « qu’un passage complet de la production française à un niveau donné ».

La combinaison de 6 % des surfaces en N0, 58 % en N1 et 36 % en N2a, permettrait d’obtenir des résultats de l’ordre d’une réduction de 10 % de l’utilisation des PP (Ift) et d’une marge brute maximale nationale de 511€/ha contre 485€/ha pour la marge observée en 2006. Une combinaison de 6 % des surfaces en N0, 46 % en N1 et 58 % en N2a permettrait une baisse de l’utilisation des PP de 20 %, « sans diminution des marges et de la production, par une combinaison entre protection raisonnée et protection intégrée ».

Baisser de 30 % l’Ift serait encore possible sans modifications des rotations, par une augmentation de la place de la protection intégrée, sans diminution de la marge globale et avec une diminution faible de la production (4 %). Au-delà – 40 % ou 50 % de diminution de l’Ift – « une modification en profondeur des systèmes de culture est nécessaire, à la fois au niveau des itinéraires techniques et au niveau des rotations » (►voir graphique 5). Une baisse de 40 % impliquerait notamment le développement de la production intégrée (N2c) sur près de la moitié des surfaces cultivées. L’impact sur la production serait respectivement de -7 % et -12 %, et celui sur la marge brute serait de -5 % avec une réduction de 50 % de l’utilisation de produits phytosanitaires (►graphique 6).

Graphique 5 : combinaison de différents niveaux de pratiques d’utilisation de produits phytosanitaires


(© D.R.)

 

Graphique 6 : effets sur la production et la marge brute des scenario de diminution


(© D.R.)

 

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