Les résultats de l’étude « Terres cultivables non cultivées : des disponibilités suffisantes pour la sécurité alimentaire durable de l’humanité », réalisée pour le compte du ministère de l’Agriculture sont éloquents (1) : « la sous-production et la sous-consommation globales ne sont pas dues au manque de terres cultivables. Les questions cruciales à ce sujet ont trait à la manière dont les humains mobilisent les ressources : il s’agit donc fondamentalement de questions politiques d’organisation économique et sociale. » Cette conclusion corrobore, sous une autre approche, les conclusions du colloque de l’Afja du 11 mai dernier à savoir, l’importance relative à accorder à la seule augmentation de la production agricole pour pourvoir aux besoins alimentaires des 9 milliards d’individus attendus d’ici 2050.
![]() Mélange de céréales et de protéagineux en culture intensive. (© Terre-net Média) |
Dans le scénario 1, les 1.000 millions d’hectares comprennent 481 millions d'hectares de prairies. Aussi la réserve de terres cultivables est estimée à 520 millions d’hectares, soit un résultat voisin de celui obtenu par la Fao dans une récente étude (547 millions d’hectares).
Des terres valorisées selon des méthodes qui « explorent les possibilités
de développement d’une "révolution doublement verte" ».
Les résultats du document du ministère ont un caractère rassurant. Ils montrent que la réserve de terres cultivables dans le Monde estimée est bien supérieure à l’augmentation de la surface de terres nécessaire, selon la Fao (130 millions d’hectares, agro-carburants compris), pour relever le défi de 2050, celui-ci reposant, selon l’organisation, à 90 % sur la hausse des rendements.
Les études du ministère sont aussi compatibles avec les résultats du scénario envisagé par l’Inra (Agrimonde 1). L’extension nécessaire des terres cultivables est estimée dans ce cas de figure à plus de 590 millions d’hectares. Elles seraient valorisées selon des méthodes qui « explorent les possibilités de développement d’une ‘révolution doublement verte’ ». Celle-ci se traduisant « par des accroissements de rendement relativement faibles car reposant essentiellement sur une meilleure utilisation des fonctionnalités écologiques des écosystèmes cultivés et sur des techniques accessibles aux producteurs pauvres. »
Répartition inégale des terres cultivées
Le problème majeur soulevé par l’étude du ministère de l’Agriculture réside dans la répartition des nouvelles terres à convertir, susceptibles d’être cultivables. En progression attendue de 1 à 6 % à l’échelle du monde, elle régresserait de 11 % à 13 % en Afrique zone subsaharienne (alors que la croissance démographique y est la plus importante) et augmenterait jusqu’à 25 % dans les pays développés. Par ailleurs, le réchauffement climatique étendrait les zones cultivables dans des pays aujourd’hui inhospitaliers (Mongolie, Nord canada etc.).
Les trois hypothèsesN°1 : Sont considérées comme pouvant être mises en culture les terres « très convenables », « convenables » et « modérément convenables» selon l’étude Gaez, sauf celles qui sont recouvertes de forêts et sauf les superficies nécessaires aux infrastructures urbaines et autres. De même, les terres « peu convenables » sont supposées être non cultivées. Dans la deuxième hypothèse, moins restrictive, en plus des précédentes, les terres « peu convenables » sont considérées comme pouvant être mises en culture, à l’exclusion de celles qui sont sous forêt. Dans la troisième hypothèse, moins restrictive encore, en plus des précédentes, toutes les terres cultivables sous forêt sont vues comme pouvant être mises en culture aussi, ce qui correspond au tiers des forêts du monde : les deux tiers de celles-ci resteraient donc debout. |
En revanche, au Moyen-Orient, « les superficies des terres du monde utilisables en culture pluviale sont largement supérieures aux superficies nécessaires pour assurer des conditions de sécurité alimentaire pour l’ensemble de l’humanité. »
Ecologiquement intensifs
Les contraintes environnementales devant par ailleurs être prises en compte, l’augmentation de la quantité de terres disponibles cultivables doit pousser les gouvernements, selon les auteurs de l’étude, « à promouvoir des agricultures diversifiées, à rendements relativement faibles, économes en intrants extérieurs et en énergies fossiles voire n’en utilisant pas, ayant peu d’effets négatifs sur l’environnement voire rendant des services environnementaux, et assurant des moyens d’existence décents auprès de trois milliards de personnes qui constituent la population agricole du monde. »Cette « voie alternative » sera un succès si les prix des produits sont décents, si l’accès à la terre est facilité (beaucoup trop de paysans n’y ont pas accès dans des conditions favorables) et si la priorité est donnée à la recherche, au conseil, à la formation et à la diffusion des savoirs.