Dans le séchoir saturé par l'odeur du tabac où ils effeuillent les pieds récoltés depuis la mi-août, Philippe et son cousin Pascal font les comptes : sans les aides de la Pac, supprimées en janvier par Bruxelles, "on est à 3 euros le kilo alors que le seuil de rentabilité minimal est de 4 euros", grommelle Philippe, voix rocailleuse et accent périgourdin. Engoncé dans sa combinaison de travail, leur collègue Christian Carrier approuve: à ce prix-là, "moi, je ne peux plus faire du tabac : travailler pour ne rien gagner, ce n'est pas une solution".
![]() Culture de plants deTabac en Bulgarie (© Terre-net Média) |
Mais le tarissement de la manne européenne fragilise la filière, mettant "pas mal de productions sur la tangente. Si on arrête le tabac, ça sera difficile de faire autre chose", s'inquiète Pascal, la configuration du terrain, vallonné dans cette partie du Périgord, et le morcellement des exploitations ne laissant que peu de possibilités. "On est au taquet" pour réduire les coûts. "On ne sait plus sur quoi on va gratter", s'alarme Philippe. "Il y a un marasme qui s'installe. C'est usant".
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La production française a grimpé jusqu'à 20.000 tonnes mais plafonne depuis trois ans à 13.000 tonnes, rappelle de son côté Eric Tabanou, responsable administratif et financier de l'usine France Tabac de Sarlat (Dordogne), unique site de transformation du tabac en France. Créé en 1985 à l'initiative des tabaculteurs, elle emploie 110 salariés permanents et travaille notamment pour Philip Morris, Japan Tobacco et Imperial Tobacco. "Entre 8 et 10.000 tonnes, on peut déjà s'interroger sur l'utilité de maintenir cet outil industriel", estime M. Tabanou. "Et s'ils (les tabaculteurs) disparaissent, nous disparaîtrons aussi".