|
|
![]() Selon Eric Frechon, il faut profiter de l'engouement qu'ont actuellement les Français pour la cuisine et le goût, afin de « leur expliquer que sans agriculture et sans pêche, rien n'existerait ». (© Didier Goupy). Source : Terre-net Magazine. |
Eric Frechon (EF) : L’agriculture, c’est la base de la nourriture humaine. Et les agriculteurs sont les jardiniers de la planète. Ils nous nourrissent tous les jours. Incitons-les à continuer à le faire sainement.
TNM : La plus grande valeur de l’agriculture française ?
EF : Un vrai savoir-faire, avec de multiples terroirs et une vraie diversité.
TNM : Son plus grand défaut ?
EF : Honnêtement, je n’en vois pas. C’est au contraire beaucoup de qualités. Certains font tellement bien leur travail qu’ils ne prennent pas de repos, ils vivent pour nous. Ah si, en voici un : on veut tellement bien faire que l’hygiène exigée par les lois tue parfois le produit.
TNM : Votre meilleur souvenir lié à l’agriculture ?
EF : C’est celui d’un veau d’exception. Il était produit dans la tradition, sous la mère, par un éleveur près de chez moi, en Normandie. Mais le côté triste, c’est que personne n’en voulait. Dommage que ce veau d’exception n’ait pas sa place face au veau de batterie.
TNM : La dernière fois que vous avez parlé d’agriculture avec quelqu’un qui ne la connaît pas ?
EF : Les gens connaissent tous l’agriculture, mais ils la connaissent mal. Donc c’était à propos des manifestations… alors que l’agriculture, ce n’est pas cela !
TNM : Vous sentez vous plutôt âme « écolo » ou « agricolo »?
EF : Plutôt agricolo.
Les gens connaissent tous l’agriculture, mais ils la connaissent mal
TNM : L’agriculture est régulièrement attaquée, politiquement et médiatiquement. A t-elle réellement des progrès à faire ? Ou est-elle une cible facile pour les bobos ?
EF : Pas politiquement, mais médiatiquement oui. Il y a un peu des deux raisons : certains agriculteurs n’ont pas peur de mettre trop d’engrais… mais c’est une cible tellement facile ! S’il n’y avait plus d’agriculteurs pendant seulement six mois en France, imaginez le bazar que ce serait ! Et pas seulement pour la nourriture, pour la planète.
L’oublier, c’est se tirer une balle dans le pied
TNM : Pourquoi l’agriculture est-elle revenue dans les débats de société ?
EF : Parce que nous n’arrivons pas à nourrir tout le monde sur terre. C’est aussi un phénomène de santé. Et les politiques se rendent compte de l’importance de l’agriculture : un vrai patrimoine qu’on ne met pas assez en valeur. L’oublier, c’est se tirer une balle dans le pied.
TNM : Comment la défendez-vous ?
EF : Au quotidien, à travers notre cuisine. Les bons produits sont nos stars. Nous défendons les producteurs de nos produits.
TNM : Votre discours sur l’agriculture, n’est-ce pas juste pour vous donner une image et gagner des clients ?
EF : Pas du tout. Je n’en tire pas profit. J’essaie à mon petit niveau de défendre les produits au quotidien et aussi les agriculteurs à travers des interviews ou en expliquant, à nos clients, qu’il y a de vrais agriculteurs qui font de bons produits. Sans eux, nous n’existerions pas. Au lieu de les décourager par des critiques, il faut leur dire que nous sommes fiers d’eux et du travail qu’ils accomplissent chaque jour.
TNM : Quel est le principal défi d’avenir à relever par les agriculteurs ?
EF : Se remettre en valeur, avoir une vraie belle image.
TNM : Croyez-vous à l’avenir de l’agriculture ?
EF : Oui. J’y crois parce que nous avons un vrai savoir-faire, qu’il faut défendre. C’est comme la cuisine : même si elle est modernisée, même si elle évolue, il faut la défendre. Avant on se cassait le dos pour ramasser les betteraves, aujourd’hui on garde le savoir-faire mais avec des outils pour nous aider. En agriculture comme en cuisine, on peut y croire si nous savons garder le savoir-faire et préserver le goût pour nos enfants.
Eric Frechon Chef cuisinier français. Né le 16 novembre 1963, il dirige les cuisines du restaurant Le Bristol à Paris depuis 1999. Chevalier de la Légion d’Honneur en 2008, il a obtenu sa 3ème étoile au guide Michelin en 2009. Il a participé au groupe de réflexion sur l’avenir de l’agriculture, réuni par le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire en 2010. Sa phrase de synthèse dans ce groupe : « l’agriculture fait partie de ces trésors qui sont nos repères, nos racines, notre identité. Elle est aussi notre devenir et celui de nos enfants. » |
A lire aussi, l'interview de Dominique de Villepin de Terre-net Magazine n°2 |
Résolument différent, résolument engagé. Telles sont les valeurs de votre nouveau magazine. Pour en savoir plus : |