Emeutes de la faim : la faute aux biocarburants ? Pas si simple...

Emeutes de la faim : la faute aux biocarburants ? Pas si simple...


Parce qu'ils mobilisent des terres à vocation nourricière pour
des productions non alimentaires, les biocarburants ont été
stigmatisés. (© Terre-net Média)

En 2008, la flambée des prix des productions agricoles avait provoqué des émeutes de la faim dans les pays en développement. Parce qu’ils mobilisent des terres à vocation nourricière pour des productions non alimentaires, les biocarburants ont été stigmatisés. Or, en réalité, le phénomène avait été déclenché par une succession de mauvaises récoltes, puis amplifié par des spéculations d’investisseurs sur les marchés agricoles. Les mesures protectionnistes de certains états interdisant les exportations ont encore aggravé la situation.

« Au contraire ils l’amortissent »

Dans un essai sur la sécurité alimentaire, Bernard Bachelier, directeur de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (Farm), revient sur ces événements : « une partie de l’opinion publique a dénoncé la montée en puissance des biocarburants. "Manger ou conduire, il faut choisir", proclamaient certains médias ». Cependant, l’essor des biocarburants n’a pas de réel impact sur les prix des matières premières agricoles. Après l’envolée de 2008, ceux-ci ont chuté l’année suivante alors que la production de biocarburants a continué d’augmenter.

Par ailleurs, seules trois puissances agricoles ont une politique volontariste de développement des biocarburants : l’Union européenne, qui a fixé un objectif d’incorporation de 10 % de biocarburants, d’ici 2020, dans les carburants traditionnels ; les Etats-Unis, qui veulent quadrupler leur production d’ici 2022 et le Brésil, qui introduit déjà 20 à 25 % d’éthanol dans son essence. « Ces objectifs restent modérés », nuance Bernard Bachelier. Surtout que la production de biocarburants n’occupe actuellement que 2 % des terres cultivables, la Fao prévoyant une part de 4 % d’ici 2050. « Accuser les biocarburants revient à se tromper de cible. Leur consommation augmente de façon progressive et programmée. Les biocarburants ne favorisent pas la volatilité des marchés, au contraire ils l’amortissent. »

Dépendance alimentaire croissante

Le fond du problème se situe ailleurs. De nombreux analystes mettent en cause l’évolution des politiques agricoles depuis une vingtaine d’années. En effet, le libre-échange entraîne l’élaboration de prix mondiaux, basés sur ceux de l’exportateur le plus compétitif. Impossible alors de s’aligner pour les petites exploitations aux coûts de production beaucoup plus élevés que ceux des structures agro-industrielles brésiliennes ou américaines.

Ainsi, Marcel Mazoyer, de l’Ina-PG, et Laurence Roudart, de l’université libre de Bruxelles, expliquent que « les pays en développement ont réduit ou délaissé les cultures vivrières pour se consacrer aux productions tropicales d’exportation : café, cacao, coton, banane… Ce désinvestissement dans la production de cultures destinées aux marchés locaux, alors même que la demande urbaine ne faisait qu’augmenter, a plongé beaucoup d’états dans une dépendance alimentaire croissante ».

Disponibilité en terres largement suffisante

Selon une étude de Laurence Roudart, professeur de développement agricole à l’université libre de Bruxelles, les superficies cultivables dans le monde sont très supérieures à celles nécessaires pour garantir la sécurité alimentaire de l’humanité. Cette conclusion reste vraie même en cas de faible croissance des rendements et même en gardant non cultivées toutes les forêts et les zones actuellement protégées. Et elle reste toujours exacte, même en tenant compte des effets plausibles du réchauffement climatique sur la répartition des zones cultivées entre les deux hémisphères. La valorisation durable des ressources en terres cultivables requiert cependant des politiques publiques appropriées en termes de prix agricoles, d’accès à la terre et de recherche développement. Autrement dit des politiques orientées vers les besoins et les possibilités des producteurs pauvres.

Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°3. Si vous ne l'avez pas reçu chez vous, retrouvez Terre-net Magazine en ligne en cliquant ICI.  


(© Terre-net Média)

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