|
Jean-Pierre Beaudoin : Je constate une multiplication des messages contre l’agriculture et en particulier au moment du salon de l’agriculture. Au-delà de leur nature, le plus important est d’identifier les questions posées par ces messages. Certains posent ainsi de nouvelles questions liées aux effets de l’ingestion répétée d’un cocktail de substances, ce qui est légitime, sauf que nous n’avons pas encore les moyens d’y répondre. Nous ne savons même pas s’il y a réellement une question. Mais surtout ces nouvelles interrogations apparaissent parce que les questions fondamentales ont trouvé leur solution. Ainsi, l’agriculture et les industries agro-alimentaires fournissent aujourd’hui la France en produits alimentaires de qualité, sains, sûrs, et en quantité suffisante. On ne meurt plus d’intoxications alimentaires. La production agricole nous a permis de régler le problème crucial de la sécurité alimentaire. Et il n’y a pas si longtemps que cela.
TNM : Auraient-ils oublié le rôle de l’agriculture ?
JPB : Ce qui est dommage, en effet, c’est que ces mises en cause prétendent que rien n’a été fait. Personne ne se demande comment la France a pu atteindre ce niveau de sécurité, en quantité et qualité. Il s’agit déjà d’un acquis. Et le fait est que l’état sanitaire des populations progresse. Ceux qui diffusent ces messages constatent d’ailleurs que les produits respectent les normes mais posent la question des effets pour des doses inférieures aux normes. Ils ne savent pas ce qui se passe en dessous des normes et oublient les acquis au bénéfice de la question. Il s’agit d’une erreur qui repose sur l’ignorance. C’est en partie la responsabilité des secteurs agricole et agro-alimentaire qui n’ont pas expliqué comment ils ont réussi à répondre aux besoins alimentaires en se conformant à des contraintes importantes.
TNM : Quel impact ce genre de messages peut avoir sur la population ?
JPB : D’abord, ce type de messages et leur multiplication nourrissent une forme d’anxiété de la population française, qui traduit un état de notre société. Notre société a peur, peur de perdre ses nombreux acquis. Deuxièmement, la distance se creuse entre les citoyens et l’agriculture au niveau géographique et du fait des évolutions de la démographie. Il appartient au monde agricole de réduire cette distance qui est l’antagonisme de la confiance. Enfin, alors que l’agriculteur, et non l’agriculture, est celui qui souffre le plus de ces messages, il reste une figure sympathique dans l’opinion. Les dénonciations s’adressent toutes à l’agriculture en général que le public n’a aucun moyen de connaître. La question n’est pas la confiance dans les produits consommés mais dans les pratiques agricoles.
TNM : Au final, les pratiques agricoles sont remises en cause mais pas les produits ?
JPB : En effet. Les dénonciations ont des impacts sur les pratiques agricoles car les agriculteurs se retrouvent coupables de pratiques qui leur sont interdites. Les pouvoirs publics ne peuvent pas ignorer les questions posées, vu que le principe de précaution est inscrit dans la constitution, et prennent des mesures. Des produits disparaissent des rayons et peuvent être remplacés par d’autres en provenance de l’étranger qui ne présentent pas toujours les mêmes garanties. Paradoxalement, les messages ont une résonnance dans l’opinion mais pas dans l’acte de consommation. Le citoyen et le consommateur sont deux personnes distinctes. Le consommateur cherche le confort et le prix avant tout.
TNM : Comment voyez-vous évoluer la situation ?
JPB : Le premier objectif était la sécurité alimentaire. Il est atteint et le secteur continue à avancer, à s’adapter. L’agriculture est sûrement le secteur le plus absorbeur de technologies. Quant aux problèmes soulevés actuellement, il faut d’abord s’assurer qu’il y a bien une question. L’Anses est la mieux placée pour le déterminer. Ensuite, il faut s’assurer qu’une exigence nouvelle ne vienne pas détruire les acquis, que les conditions de progrès ne soient pas régressives. Il n'y a pas d'âge d’or passé, et donc pas de retour possible vers celui-ci.
Pour en savoir plus, cliquez sur : |