|
« Conduire une culture en multiplication requiert de la motivation et de très bonnes performances techniques », prévient Jean-Albert Fougereux, directeur technique de la Fnams (1). Les parcelles font l’objet d’un suivi régulier et d’une protection optimale, afin de répondre aux normes très sévères, tant sur le plan sanitaire que qualitatif.
Le choix des espèces destinées à cette filière nécessite, à ce titre, une attention particulière car la « gestion globale va bien au-delà du simple duo une culture-une année », témoigne Vincent Minière, polyculteur dans le Loiret et multiplicateur de semences depuis 25 ans (une centaine d’hectares de Sau concernés en 2010- 2011 : 20 ha de blé dur, 20 ha d’orge de printemps, 15 ha d’oignons (bulbes) et 10 ha de carottes).
En carottes, par exemple, il faut isoler les parcelles (zone tampon de 3 km minimum). « Pour éviter toute contamination, nous parcourons les abords, avec la binette, à la chasse à la carotte sauvage. Nous travaillons assidûment le désherbage des céréales pour réduire la rémanence dans les potagères. »
Les impasses se multiplient
Vincent Minière explique que, « pour les semences hybrides, très exigeantes en niveau de pureté, l’efficacité actuelle du désherbage des céréales n’autorise un retour, dans les parcelles de carottes, qu’au bout de 25 ans ». Il existe cependant une solution au problème de ces très longues rotations : l’échange de parcelles (lire p. 20 de ce même numéro).
|
Diluer les risques
Par ailleurs, avant de se lancer dans cette activité, il faut avoir conscience « qu’en cas de défaut de germination ou de pureté, le producteur perd tout ». L’agriculteur multiplicateur conseille donc, pour diluer les risques, de cultiver plusieurs espèces, et une ou deux variétés par espèce, sans aller trop loin dans la diversité pour ne pas complexifier le travail.
« La multiplication de semences de grandes cultures est moins contraignante que celle de graines potagères. » D’une part, les producteurs disposent de produits de protection. Techniquement, il s’agit seulement d’être précautionneux à la récolte. D’autre part, « en blé dur, nous n’avons pas à gérer le problème de mitadinage et, en orge de printemps, celui de la teneur en protéines », souligne Vincent Minière.
Une plus-value de 15 %
Au final, les deux hommes concluent que le choix de la multiplication, comme des espèces cultivées, dépendra des conditions proposées par les établissements semenciers, du prix, des normes imposées et de la possibilité ou non d’y répondre…
Tous les ans en juillet-août en effet, Vincent Minière négocie ses contrats avec cinq établissements semenciers pour définir les variétés, les surfaces, les conditions de production et les prix. Pour les potagères, le prix payé au producteur dépend du potentiel de rendement de la variété et des coûts de production. Pour les céréales, il est indexé sur les cours de la matière première à la consommation, puis complété par une prime de multiplication.
|
« La charge de travail peut rebuter. Prenez l’exemple de la binette, ce n’est plus dans les habitudes, lance l’agriculteur. Mais, l’intérêt de la multiplication, au niveau intellectuel, prime sur les contraintes et les risques qu’elle comporte. On fait pousser des semences, donc du vivant, et ces cultures sont plus techniques et moins routinières que le blé ou le maïs. De plus, économiquement, si les fluctuations sont parfois énormes d’une année sur l’autre, l’objectif est de générer une plus-value de 15 % sur dix ans par rapport à un maïs ou à une betterave sucrière. Parler de marges brutes annuelles à l’hectare ne veut rien dire, il faut raisonner sur le long terme. »
Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°6. Si vous ne l'avez pas reçu chez vous, retrouvez Terre-net Magazine en ligne en cliquant ICI.
|