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La Chine pourrait faire grimper les prix
La Chine est le premier producteur mondial de blé, avec une récolte annuelle d’environ 115 millions de tonnes, l’équivalent de la quantité totale de blé dans l’ensemble du commerce international. Alors que ses importations actuelles sont négligeables, les nouvelles de la sécheresse ont entraîné de sévères avertissements. Si la Chine se tourne vers les marchés mondiaux pour compenser une mauvaise récolte, ils pourraient surenchérir sur les pays en développement et fortement faire grimper les prix.
En Chine la sécurité alimentaire relève de la sécurité nationale
Le problème avec ces avertissements est le « si ». En fait la Chine n’est pas un grand joueur sur les marchés mondiaux de céréales, même pendant les années où les récoltes ne sont pas suffisantes, et ce en raison de sa politique de maintien de vastes réserves d’urgence de céréales. La sécurité alimentaire relève de la sécurité nationale en Chine, où le volume des stocks de blé est considéré comme un secret d’État, et estimé par la Fao à environ 55 millions de tonnes. D’autres prétendent que des réserves privées d’environ 30 millions de tonnes pourraient s’ajouter à ce chiffre. Donc, l’équivalent entre la moitié et les deux tiers de la récolte annuelle du comté (pour une année normale) est disponible pour une utilisation en cas d’urgence.
Cet outil politique a contribué à isoler les marchés intérieurs des céréales de la Chine, des hauts et des bas des marchés mondiaux, au profit de la Chine et le reste du monde. Bien que nous ne puissions pas prédire si la Chine va perturber les stocks mondiaux de céréales par ses importations, nous savons que, contrairement aux pays sans réserves, la Chine a les moyens de satisfaire ses propres besoins.
La tradition antique
L’idée de stocker les céréales excédentaires dans les périodes fastes, pour se prémunir contre la famine, remonte à l’Ancien Testament, lorsque Joseph a donné précisément ce conseil au Pharaon. Son histoire en Chine est presque aussi longue, et les sources anciennes décrivent les greniers régulateurs de l’empereur comme n’ayant pas seulement empêché la famine, mais également permis à l’Etat de stabiliser les prix au bénéfice des agriculteurs et des consommateurs. (Les nouveaux programmes agricoles inspirés du système impérial de réserves de la Chine nous ont sorti de la poussière et ont favorisé la période la plus stable et prospère dans l’histoire agricole américaine.)
Bien que la Chine maintient de vastes réserves de céréales et d’autres aliments comme le porc et les huiles comestibles, les États-Unis et la plupart des autres pays ont abandonné cette approche sage. Trente ans de fondamentalisme néolibéral des marchés ont traité l’agriculture et les aliments comme les autres produits de consommation et non pas comme une nécessité à la vie. Les grands commerçants privés de céréales n’ont jamais aimé les réserves, et leur avidité a été rationalisée par « l’hypothèse des marchés efficients », qui affirme que les réserves sont inefficaces et faussent les marchés. Les farm bills américains ont abandonné les réserves et d’autres outils de gestion de l’offre. Les institutions financières internationales font souvent pression sur les pays du monde entier pour qu’ils vendent leurs réserves et qu’ils réduisent ainsi leur soutien à leurs propres agriculteurs. Ce système de marché libre a laissé les pays importateurs de produits alimentaires sans bouée de sauvetage lorsque les prix mondiaux ont flambé en 2007. L’année suivante les rangs des affamés du monde ont gonflé de 100 millions personnes.
Heureusement, l’idée des réserves de céréales gagne à nouveau du terrain. Les réserves seront parmi les sujets de discussion lors du sommet du G20 en France en mai prochain afin d’apporter une réponse à la faim mondiale croissante. Les pays ouests africains envisagent la création de réserves régionales, les pays asiatiques commencent à constituer des réserves de riz, et les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) explorent les options pour une réserve collective. Jusqu’à présent, les Etats-Unis résistent à ces propositions, malgré les leçons de la dernière crise alimentaire.
Mais cela pourrait changer. Récemment, le département américain de l’agriculture a déclaré les plus bas stocks de maïs depuis 15 ans, pénurie due à un phénomène météorologique violent. Et les grands pays exportateurs agricoles, comme la Russie, l’Argentine et l’Australie, ont tous connu des événements climatiques majeurs ayant pour résultat de limiter la production des cultures et resserrer les approvisionnements mondiaux en céréales.
La leçon chinoise
Certes, le système alimentaire de la Chine est loin d’être parfait, et la demande chinoise impacte parfois les prix mondiaux. Par exemple, bien qu’elle se conforme strictement aux politiques d’autosuffisance pour les céréales, la Chine s’appuie sur les approvisionnements étrangers pour répondre dans une proportion croissante à sa demande en soja. En seulement quelques années, elle est devenue le premier importateur de ce produit, poussant les prix vers le haut et stimulant une augmentation rapide de la superficie des terrains pour la culture du soja en Amérique latine.
Mais dans l’ensemble, pour un pays qui doit nourrir 22 pour cent de la population mondiale sur 9 pour cent de ses terres arables, la Chine a clairement compris ce que d’autres n’ont pas compris.
Il est devenu très évident au cours des trois dernières années que notre système alimentaire mondial est devenu beaucoup plus vulnérable aux perturbations. Dans cette nouvelle ère, l’approche de la Chine qui considère « la sécurité alimentaire comme une sécurité nationale » peut donner certaines leçons au reste du monde.
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