![]() Il existe trois catégories de servitudes : celles découlant de la situation naturelle des lieux, celles du fait de la loi, et celles du fait de l’homme. La servitude par destination du père de famille est classée au sein de la troisième catégorie. (© Terre-net Média) |
Il existe trois catégories de servitudes : celles découlant de la situation naturelle des lieux, celles du fait de la loi, et celles du fait de l’homme. La servitude par destination du père de famille est classée au sein de la troisième catégorie. En effet, selon l’article 693 du Code civil, « il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude ». La création de cette servitude résulte donc des agencements réalisés par le propriétaire du fonds actuellement divisé.
Les différentes formes de la servitude par destination du père de famille
Ce mode de constitution d’une servitude nécessite non seulement une séparation juridique du fonds, comme par exemple une vente, une donation ou un partage, mais également l’aménagement de celui-ci. La servitude par destination du père de famille peut dès lors prendre de multiples formes, comme une ouverture dans un mur ou un passage pour l’écoulement des eaux. L’aménagement doit, selon la Cour de Cassation, avoir été réalisé par un propriétaire unique. Des propriétaires indivis ne peuvent donc pas constituer une servitude par destination de père de famille, dans la mesure où aucun d’eux n’est propriétaire de l’ensemble du fonds divisé (Cass. 3e civ., 6 juin 2007 n° 06-15.044). La Cour de Cassation est très stricte sur ce point. Elle étend, en outre, cette incapacité aux locataires et aux usufruitiers.
L’aménagement doit être suffisamment permanent pour révéler la volonté du constituant d’assujettir les fonds l’un à l’autre. Tel n’est pas le cas si le propriétaire de deux maisons contiguës établit, entre elles, une porte de communication pour bénéficier d’une libre communication servant ses intérêts propres. Dans la mesure où l’intention n’était pas de créer lors de la division des immeubles un droit de passage au profit de l’un et à la charge de l’autre, la servitude de père de famille n’est pas caractérisée.
L’influence des caractéristiques de la servitude
Il existe différents types de servitudes pouvant être établies sur les biens. Les articles 688 et 689 du Code civil précisent que les servitudes peuvent être continues ou discontinues ainsi qu’apparentes ou non apparentes. Sont continues les servitudes dont l'usage « est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme : tels sont les conduites d'eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce ». À l’inverse, les servitudes discontinues sont celles « qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées : tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables ».
Les servitudes apparentes s'annoncent par des ouvrages extérieurs comme une porte, une fenêtre ou encore un aqueduc. En revanche, les servitudes non apparentes n'ont pas de signe extérieur de leur existence. Il s’agit, par exemple, de la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu'à une hauteur déterminée. Ces distinctions sont essentielles car elles permettent de définir le mode d’établissement de la servitude.
L’article 692 du Code civil dispose que la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes continues et apparentes. Toutes les servitudes ne peuvent donc pas être constituées par destination du père de famille. Le régime diffère selon que la servitude est apparente et continue ou seulement apparente. Si elle est apparente et continue, l’article 692 s’applique et la destination du père de famille vaut titre. La question est autrement plus complexe dans les cas où la servitude est discontinue, notamment en matière de droit de passage. Dans cette situation, la destination du père de famille ne vaut titre que si les deux conditions cumulatives listées par l’article 694 du Code civil sont respectées.
La première condition est relative à « l’absence de dispositions contraires à son maintien dans l’acte de division ». L’acte de division ne doit donc pas contenir des éléments qui portent clairement atteinte à la servitude. La seconde condition énoncée à l’article 694 prévoit l’existence de signes apparents de servitude lors de la division des fonds. À titre d’exemple, il est possible de citer l’arrêt du 4 août 1995 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui affirme que le signalement d’une canalisation d’eaux usées révélée par un regard et un muret de ciment était de nature à caractériser un signe apparent de servitude.
Le propriétaire du fonds servant est tenu de laisser un libre accès à l’objet de la servitude
La servitude acquise par destination du père de famille emporte des droits et obligations pour les propriétaires des fonds. Il est accordé au propriétaire du fonds dominant le droit d’exercer sur le fonds servant tous les travaux nécessaires à l’usage et à la conservation de la servitude. Prenons l’exemple le plus courant d’une servitude de passage de canalisations. Le propriétaire du fonds dominant dispose du droit d’entrer librement chez son voisin pour atteindre et entretenir ses regards, nettoyer et déboucher ses canalisations… Afin de ménager ses relations de voisinage, il est courtois de demander ou du moins d’informer le propriétaire du fonds servant des travaux réalisés.
Le principe affirmé par l’article 698 du Code civil veut que les travaux réalisés soient à la charge du propriétaire du fonds dominant, le propriétaire du fonds servant étant seulement tenu de le laisser faire. Toutefois le propriétaire du fonds assujetti peut se voir attribuer des obligations d’entretien. La Cour de Cassation a établi que pour que naissent ces obligations, il faut que le propriétaire du fonds servant se soit engagé dans un titre constitutif ou dans une convention postérieure à supporter la charge des travaux nécessaires à l’exercice de la servitude, ou que ces travaux soient devenus nécessaires par son fait (Cass 3e civ., 4 février 2009). Ainsi, le propriétaire du fonds servant qui a signé une telle convention se voit attribué l’entretien des canalisations, mais uniquement pour la portion traversant son terrain. De même, si le propriétaire assujetti endommage une canalisation, il est tenu d’effectuer les travaux nécessaires à sa réparation.