![]() Barack Obama, président des Etats-Unis et et Mitt Romney, candidat républicain à la présidence. (© Afp) |
Le 6 novembre 2012, les américains éliront pour quatre ans un nouveau président, Mitt Romney ou reconduiront Barack Obama élu en 2008. Terre-net Média a demandé à James Jensen, farmer américain dans le Minnesota et directeur d’un centre de gestion agricole, de nous expliquer dans quel état d’esprit les agriculteurs abordent cette échéance électorale majeure.
La plupart d’entre eux ont eu à faire face à la plus rude sécheresse de ces cinquante dernières années. Mais les prix élevés et les indemnités versées par les compagnies d’assurance sécuriseront les revenus des céréaliers et des producteurs de soja mais pas ceux des éleveurs, confrontés comme en Europe à la hausse des prix de l’alimentation animale. Enfin, la faible récolte de maïs et la découverte de nouveaux gisements de pétrole et de gaz de schiste remettent en cause le développement de la production de bioéthanol.
Terre-net Média (TnM) : « A quelques jours de l’élection présidentielle américaine, pour qui vont voter les farmers ? »
James Jensen (JJ) : « Les questions agricoles ne sont pas l’enjeu de cette campagne présidentielle. Pour les farmers, le prochain rendez-vous majeur sera les négociations du nouveau Farm Bill (Politique agricole américaine).
Le 6 novembre prochain, la majorité d’entre-eux votera pour le parti républicain (droite ou centre droit), surtout les membres du Farm Bureau, le syndicat agricole majoritaire. Mais les agriculteurs proches du Farmers Union pencheront davantage pour le candidat démocrate, Barack Obama.
En fait, le vote agricole en faveur des républicains sera aussi celui de la population rurale des Etats du centre du pays (en rouge sur la carte) tandis que le vote de l’ensemble des américains en faveur de Barack Obama sera plus fréquent sur les côtes Est et Ouest des Etats-Unis, où les démocrates sont majoritaires. En blanc, le résultat du vote du 6 novembre prochain est indécis ».
TnM : « Quelle est la situation économique des farmers ? »
JJ : « Ils sont globalement plus riches que l’ensemble des américains. Ils souffrent de lourdeurs administratives mais ils sont très attachés à leurs subventions. C’est en particulier la position défendue par la Farm Bureau qui craint un retournement des marchés et une nouvelle dépendance aux aides.
Personnellement, je pense au contraire, qu’il n’est plus nécessaire de soutenir l’agriculture comme par le passé. C’est en conduisant une politique de croissance stable, en facilitant les échanges commerciaux et en travaillant pour le bien-être des américains, que le gouvernement œuvre pour l’agriculture et qu’il défend l’intérêt des farmers.
Je ne trouve pas la politique de Mitt Romney aberrante mais je ne partage pas les positions défendues par les républicains. Les républicains défendent un statut de l’agriculture unique moins administrée, avec des subventions et peu imposable. Sans doute, Barack Obama n’a pas réussi à 100 % tout ce qu’il a entrepris mais je voterai pour lui ! ».
![]() Barack Obama, président des Etats-Unis, en tournée dans le MiddleWest. (© Ambassade d'Amérique Paris) |
TnM : « Mais Barack Obama a-t-il été le président des agriculteurs américains? Quelle opinion ont-ils de lui ? »
JJ : « Non. Il n’y connaît rien à l’agriculture. Ce sont les députés qui font la politique agricole des Etats-Unis. Pour Barack Obama, le Farm Bill, c’est d’abord sa politique alimentaire en faveur des plus démunis en subventionnant des produits alimentaires américains mis à leur disposition.
En fait, l’actuel président s’est donné comme but d’assurer la sécurité alimentaire de l’ensemble des américains mais pas la sécurité financière des farmers !
Notons, cependant, qu’il a déclenché une vague de mécontentement à son égard en plafonnant les aides, aussi bien dans le rang des farmers concernés par la mesure que parmi ceux qui ne l’étaient pas alors que la décision prise voulait rendre l’allocation des soutiens publics plus équitable.
![]() Mitt Romney, candidat républicain à la présidence en campagne électorale. (© http://www.mittromney.com/gallery) |
TnM : « Quel bilan dressent les farmers des quatre dernières années? Quelle est leur situation financière ? »
JJ :« Les farmers ne connaissent pas la crise. Ils doivent leur bonne situation financière à la faiblesse du dollar qui favorise les exportations, à la production d’éthanol qui utilise 40 % de la récolte du maïs (en année normale) et aux faibles récoltes de céréales aux Etats-Unis et dans les principaux pays exportateurs victimes d’épisodes de sécheresse récurrente qui ont fait flamber les prix agricoles.
L’évolution des prix des terres est un excellent indicateur pour apprécier la bonne santé de l’agriculture américaine. Selon The Economist, le prix de l’hectare a cru de 20 % depuis le début de l’année. Les faibles taux d’intérêt et les revenus élevés générés par les prix des matières agricoles ont stimulé les investissements fonciers. Le prix moyen de l’hectare est de 14.900 dollars US, soit un montant dix fois plus élevé qu’au Canada même si les prairies de l’ouest sont néanmoins moins productives que le centre du Corn belt des Etats-Unis (plaines où est cultivé le maïs). Les banquiers constatent à leur niveau que les agriculteurs ont beaucoup moins recours à l’emprunt que par le passé.
Seule ombre au tableau : la situation des éleveurs qui achètent l’alimentation du bétail à des prix très élevés sans être couverts par les compagnies d’assurance pour en amortir le coût. »
TnM : « Alors qu’assurent-elles ? »
JJ : « Les assurances sont très importantes pour les cultivateurs. Elles vont couvrir une grande partie du manque à gagner là où la sécheresse a été rude mais les prix élevés atténueront aussi les pertes.
Ceci dit, contrairement aux annonces faites, la récolte de maïs ne sera pas catastrophique pour tout le monde. Il en est autrement de la récolte de soja, beaucoup plus faible. Sans pluie en août dernier, mes rendements sont faibles. Je vais donc être indemnisé par ma compagnie d’assurance. »
![]() Carte des intentions de votes le 6 novembre prochain. En rouge, vote républicain, en bleu, vote démocrate et en blanc, Etats indécis.(©http://www.270towin.com/) |
TnM : « Quel avenir pour la production de bioéthanol ? »
![]() James Jensen, farmer et directeur d'un centre de gestion agricole, dans le Minnesota. (© James Jensen) |
JJ : « La production de bioéthanol n’a plus le vent en poupe. Certaines usines de distillation ferment car le prix du maïs ne rend plus la distillation rentable.
Mais surtout, sans être explicitement remis en cause - lobbying du Farm Bureau oblige- l’essor de la filière soulève aux Etats-Unis deux débats sur l’indépendance énergétique du pays et sur l’évolution des prix alimentaires.
''Avec le bioéthanol, les Etats-Unis ont produit 8 % de nos besoins en énergie ce qui augmente notre indépendance énergétique à son plus haut niveau en 20 ans'', défend, Barack Obama. ''Nous augmenterons le taux d’incorporation d'éthanol mélangé à l'essence pour stimuler la production de biodiesel. Aujourd’hui, la filière bioéthanol emploie 39.000 personnes''.
Dans le camp républicain, le discours tenu est, peu ou prou, le même : ''je suis en faveur du maintien de la norme sur les carburants renouvelables. Ma politique générale visera à assurer que l'ensemble de nos industries de l'énergie durable puissent devenir compétitives, innovantes et efficaces'', défend Mitt Romney.
En fait, les récentes découvertes de puits de pétrole, le développement de la production de gaz de schiste et enfin l’essor de la production de biocarburants de seconde génération détrônent l’éthanol dont on rend sa production responsable de l’inflation des prix alimentaires ».