Quatre agriculteurs font le bilan de leur stratégie de lutte

Quatre agriculteurs font le bilan de leur stratégie de lutte

Bilan de quatre stratégies face aux maladies de l'année 2012.
Vincent Pellerin: « En saison, je surveille mes parcelles et j’interviens en cas de symptômes. »
Bilan de quatre stratégies de lutte contre les maladies de l'année 2012. (© Terre-net Média)

Sommaire :

Vincent Pellerin - Déclenchement du premier anti-septo au seuil d'intervention
Jacques Moutailler - Bas volume : protéger la culture quoi qu’il arrive
Olivier Fumery - Protection intégrée : installer le terrain le moins favorable aux maladies
Jean-Luc Ortegat - Agriculture bio : « Les maladies ne sont pas une préoccupation »

 

Déclenchement du premier anti-septo au seuil d'intervention

Vincent Pellerin, polyculteur-éleveur à Maulers dans l’Oise, commence à penser à sa stratégie fongicide au moment du choix de ses variétés de blé. « Je trouve un compromis entre sensibilité aux maladies, à la verse et productivité ». Entre fin février et fin mai, les tours de plaine et les messages de suivi permettent de rester à l’affût. En plus de la traditionnelle septoriose, la rouille brune inquiétait début 2012 du fait de l’apparition précoce de symptômes en cultures et « des mauvais souvenirs de 2007 ». Pourtant, c’est bien pour enrayer la progression de la septoriose que Vincent Pellerin a déclenché le premier fongicide après avoir détecté un dépassement du seuil d'intervention : « 20 % des f3 du moment présentant des symptômes pour des variétés sensibles et moyennement sensibles et 50 % sur des blés résistants ».

Pas d’impasse sur le dernier traitement

« J’ai observé les premiers symptômes de septoriose en mai et ceux de fusariose en juin. J’évalue à 5 q/ha la perte de rendement due à la fusariose. Mon programme fongicide m’a coûté 62 €/ha. Je suis satisfait du niveau de retour sur investissement. Je pense conserver la même stratégie pour cette campagne, mais en changeant de produit au premier passage. J’ai trouvé celui-ci trop juste sur septoriose. »


Bas volume : protéger la culture quoi qu’il arrive

Jacques Moutailler ne compte pas changer de stratégie pour l’année prochaine. « Je ferai entre trois et cinq passages. La première intervention se décide selon l’année, en fonction des conditions de levée. Les autres s’enchaînent. »
Jacques Moutailler ne compte pas changer de stratégie l’année
prochaine. « Je ferai entre trois et cinq passages. La première
 intervention  se décide en fonction des conditions de levée.
Les autres s’enchaînent. » (© Terre-net Média)

Jacques Moutailler, polyculteur-éleveur à Berneuil-sur-Aisne dans l’Oise  a adopté la technique du bas volume il y a trois ans. Contre les maladies, cette pratique mise sur l’anticipation via des traitements avant les premiers symptômes. « L’automne 2011, doux, a favorisé l’apparition des rouilles dont le potentiel de nuisibilité s’élève à 40 q/ha. Heureusement, le froid a retardé leur développement, mais vu la précocité des symptômes, j’ai préféré m’attaquer tôt au problème. » Christophe Chatain de la Chambre d’agriculture de l’Oise conseille, pour le choix des produits, « d’associer plusieurs fongicides afin de profiter d’une synergie entre les modes d’action ».

L’agriculteur prévoit généralement un passage tous les vingt jours, globalement du stade épi 1 cm jusqu’à épiaison, soit trois ou quatre au total. La date de la première intervention dépend de la pression maladies et du développement de la culture. En 2012, la première application a eu lieu le 28 mars, la cinquième et dernière le 5 juin. « Une de trop par rapport à mes habitudes. Normalement, je commence en avril. Mais cette année, les blés ont monté très vite, puis ralenti. Et la pluie est arrivée. » 

Une marge de 1.400 €/ha

Par son côté préventif, le bas volume se rapproche du systématique, « sauf qu’il s’agit là d’appliquer des doses très faibles de l’ordre du dixième de celles homologuées », souligne Christophe Chatain. L’idée est d’assurer la protection de la plante quel que soit le risque. « Le positionnement précoce empêche l’installation des maladies et limite les traitements curatifs ».

Intéressons-nous à une parcelle semée le 11 octobre 2011 avec la variété Perfector à 250 g/m². « Les feuilles du bas ont subi des attaques de rouille et de septoriose, mais la culture était globalement saine au moment de la récolte. Je n’ai déploré aucune perte de rendement et ai même atteint 85 q/ha alors que mes voisins tournaient plutôt à 75 q/ha. La qualité était bonne également. » Sur le plan économique, le coût du programme fongicide se chiffre à 45 €/ha, avec un Ift « largement en dessous des normes locales ». « Avec ce niveau de rendement et l’économie réalisée sur mon poste fongicide, je produis du blé à 305 €/ha de charges. A 200 €/t, je bénéficie d’une marge de 1.400 €/ha. »


Protection intégrée : installer le terrain le moins favorable aux maladies 

Sur Scor comme sur Premio, la septoriose n’avait pas tout à fait atteint le seuil de nuisibilité au stade fin gonflement-début épiaison, stade buttoir pour intervenir a minima.
Sur Scor comme sur Premio, la septoriose n’avait pas atteint
le seuil de nuisibilité au stade fin gonflement-début épiaison,
stade buttoir pour intervenir a minima. (© Terre-net Média)
Olivier Fumery, polyculteur à Laversines dans l’Oise, suit les principes de la protection intégrée. « En construisant dès le début un itinéraire technique peu favorable aux maladies, par le choix de variétés rustiques et par un semis clair et précoce, je freine leur potentiel de développement et diminue la nuisibilité à 5 q/ha en moyenne. » François Dumoulin, son conseiller à la Chambre d’agriculture de l’Oise, insiste : «  réduire autant que possible la pression maladies dès le semis permet de ne viser qu’un passage de fongicides ».

Contre la fusariose, à la mise en place de la culture, Olivier Fumery se réfère à la grille éditée par Arvalis-Institut du végétal pour se mettre en condition de risque zéro. La fertilisation azotée démarre fin février par un apport limité à 30 unités. « La surfertilisation au début du développement végétatif favorise le tallage et fragilise les plantes », commente le conseiller. 

Un seuil parfois difficile à atteindre

« Ma stratégie est de protéger uniquement les feuilles le plus tard possible, mais pas le pied, ni l'épi. » Les avertissements agricoles tiennent l’agriculteur informé de l’évolution de la pression maladies. Le seuil de déclenchement du traitement fongicide est le même qu’en conventionnel : 25 % de F3 touchées sur variétés sensibles et 50 % sur variétés tolérantes. « Cependant, s’amuse François Dumoulin, il arrive qu’il ne soit jamais atteint. » Un passage sera alors effectué au stade fin gonflement-25 % épiaison « pour une action en post-épiaison face à un éventuel redémarrage tardif de septoriose ou de rouille ».

Concernant le choix des produits, l’agriculteur se contente de solutions classiques. « Chercher à grappiller quelques points d’efficacité grâce à la dernière innovation n’a pas d’intérêt à un niveau de pression maladies aussi bas. »

Sur une parcelle, semée pour partie en Scor le 13 octobre à 190 g/m² et en Premio, le 29 octobre à 234 g/m², seule la septoriose a été détectée en 2012. La pression maladie était faible. C’est donc le début de l’épiaison qui a déterminé le moment de l’application. Réalisée le 24 mai, elle associait, sur Scor, Opus New à 0,75 l/ha et Pyros à 0,5 l/ha. De même, sur Premio, respectivement à 0,6 et 0,4 l/ha. « Le coût du programme fongicide s’élève à 20 €/ha sur Premio et à 25 €/ha sur Scor, pour un bon niveau de retour sur investissement avec un rendement à 91 q/ha. »


Agriculture biologique : « Les maladies ne sont pas une préoccupation »

La première garantie contre les maladies : une espèce sélectionnée pour sa résistance et une date de semis retardée. Les facteurs de compensation, niveau de biomasse et nombre d'épis au m², finissent de limiter l'impact sur le potentiel.
La première garantie contre les maladies : une espèce sélectionnée
pour sa résistance et une date de semis retardée. Les facteurs de
compensation, niveau de biomasse et nombre d'épis au m²,
finissent de limiter l'impact sur le potentiel. (© Terre-net Média)
Le temps d'achever sa conversion, Jean-Luc Ortegat, agriculteur bio à La Neuville-sur-Oudeuil, cultive de l’épeautre sur 45 ha en remplacement du blé. Selon ses propres mots, les maladies sont le dernier de ses soucis. Même s’il ajoute que l'absence de solutions curatives ne lui laisse, de toute façon, pas d’autres choix. Gilles Salitot, son conseiller de la Chambre d’agriculture de l’Oise, confirme « qu’en bio, il n’y a pas à se préoccuper des maladies… contrairement aux adventices ».

La parcelle dans laquelle nous avançons impressionne par la hauteur de la culture, 1,30 m. Il s’agit de Frankencorn, une variété de grand épeautre bio, semée au 20 octobre, à 160 kg/ha. Gilles Salitot revient sur les conditions particulièrement favorables du printemps : « L’eau au mois d’avril, la minéralisation du sol et une proportion d’épis entre 30 et 50 % plus importante que les années passées permettaient d’envisager un très bon potentiel ».

Trois ans de prairies avant trois de céréales

« Pourtant, poursuit l’agriculteur, nous sommes sur une terre difficile avec beaucoup de silex. Pour garantir le potentiel, je mise sur une rotation de trois ans de prairies, suivis de trois céréales. Ici, du triticale a précédé le grand épeautre. Cela me dispense de désherbage… le principal frein en système bio. J’ai passé une fois la herse étrille cette année et j’aurais pu l’éviter. »

« Je n’ai pris aucune précaution particulière vis-à-vis des maladies. » Et elles n’ont pas épargné la culture. Gilles Salitot observait le 15 juin « une F4 sénescente couverte en totalité par la septoriose, une F3 contaminée à 95 %, une F2 à 60 %, alors que la F1 présentait des taches de rouille ». Le but est là aussi de maintenir la dernière feuille verte pour que la photosynthèse ait lieu et que le remplissage du grain se fasse correctement. « La présence de rouille est plus préoccupante car le grand épeautre y est sensible », confie le conseiller. Effectivement, l’agriculteur déclare la rouille responsable d’une perte de rendement comprise entre 5 et 10 q/ha. Il se réjouit cependant d’avoir atteint 4,5 à 5 t/ha pour un objectif initial de 4 t/ha.

Le 4 mai, l’agriculteur profite d’une fenêtre climatique favorable pour effectuer ce premier passage sur une parcelle située entre le stade 2 nœuds et la dernière feuille pointante (Dfp), « le bon moment pour intervenir ». Ainsi, il assure la protection de la plante jusqu’à l’épiaison, autour du 22 mai. « Ensuite, une fois l’épi sorti, l’important est de protéger le haut de la plante. » Sur une parcelle semée avec la variété Rosario le 14 octobre 2011 à la densité de 260 g/m², Vincent Pellerin applique sa stratégie : deux passages, 130 l/ha et 8,5 km/h. D’abord, il associe Menara à 0,4 l/ha et Bravo à 1 l/ha. « Ménara agit contre la septoriose et empêche l’expression de la rouille, une double protection. » Le 25 mai à début épiaison, il a traité au Fandango S à 1 l/ha. Vincent Pellerin explique avoir passé commande l’année précédente en vue de trois applications. « Je n’en ai fait qu’une à épiaison. En raison de la sécheresse, rien ne s’est déclaré mais la dernière feuille devait dans tous les cas être protégée. J’ai donc utilisé cette année les produits qu’il me restait de 2011. »
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