![]() Les fabricants de produits phytosanitaires, l'Allemand Bayer et le Suisse Syngenta en tête, contestent l'impact de leurs produits sur les colonies d'abeilles, renvoyant à d'autres facteurs (perte d'habitat, pollution, frelon asiatique, etc.). (© Terre-net Média) |
« Les procédures d'autorisation des pesticides demandent surtout aux fabricants de s'assurer que les doses ne tuent pas les abeilles, mais elles ont complètement négligé les conséquences des doses non létales, qui peuvent provoquer des problèmes de comportement », avait alors expliqué Mickaël Henry, chercheur à l'Inra. Les chercheurs ont enregistré des pertes d'orientation des abeilles, qui ne retrouvent plus leur ruche, d'où une mortalité en forte hausse.
Le Cruiser Osr, utilisé sur les semences de colza et déjà interdit en France depuis mi-2012, fait partie des produits phytosanitaires visés par la Commission. L'Italie et l'Allemagne ont interdit les néonicotinoïdes pour le maïs. La Slovénie pour toutes les plantes. Les apiculteurs font face depuis une quinzaine d'années à une explosion de la mortalité des abeilles - passée de 5 à 30 % - dont l'origine serait multi-factorielle.
Les fabricants de produits phytosanitaires, l'Allemand Bayer et le Suisse Syngenta en tête, contestent l'impact de leurs produits sur les colonies d'abeilles, renvoyant à d'autres facteurs (perte d'habitat, pollution, frelon asiatique, etc.). Syngenta a publié jeudi dans plusieurs journaux français une lettre d'une page de son président du conseil d'administration Martin Taylor, adressée au ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll. « Il est clair que les produits modernes de protection des semences n'altèrent pas la santé des colonies d'abeilles », écrit-il en faisant part de « sa consternation ». Pour lui, « les plus grands perdants d'un retrait de ces produits seraient les agriculteurs français ».
Principe de précaution
Mi-janvier, Bayer avait réagi à l'avis de l'Efsa en mettant en avant « plusieurs facteurs pour expliquer le déclin de la population des abeilles, le principal étant un acarien parasite de l'espèce Varroa ». Mais le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a réaffirmé lundi sa volonté d'aller vers « une décision qui soit européenne pour éviter les problèmes de concurrence ». La ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, s'est elle réjouie que « la Commission européenne tire pleinement les conséquences de l'avis rendu par l'Agence européenne (...) en appliquant le principe de précaution ». Plusieurs Etats, tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne, ont toutefois émis des réserves aux interdictions proposées, selon des sources communautaires.
Malgré ces propositions inédites de la Commission, l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf) les a jugées « inacceptables » et a réclamé que les interdictions soient totales et non limitées aux cultures qui attirent les abeilles. L'Unaf souligne que les produits en question « présentent une très longue persistance dans les sols » et que « du fait de la rotation des cultures » peuvent être amenés à être en contact avec les abeilles. La Confédération paysanne a repris cet argument et jugé « scandaleux » que les interdictions ne visent que certaines cultures.
Pour France Nature Environnement aussi, « l'interdiction totale est nécessaire ». Selon Claudine Joly de Fne, « l'utilisation des semences traitées aux néonicotinoïdes a tendance à être systématique en agriculture et relève d'un usage irraisonné des pesticides ».
En revanche, le syndicat agricole de la Coordination rurale Aquitaine avait dénoncé mi-janvier l'avis de l'Efsa, estimant que les céréaliers seraient « démunis face à certains nuisibles » et pronostiquant « un retour à des méthodes anciennes, plus coûteuses et moins efficaces ».