![]() Selon Momagri, la réforme en cours de la Pac est de l’ordre des processus bureaucratiques finissants, portés par des courants historiquement datés, alors que beaucoup attendent une réforme adaptée aux enjeux de demain. (© Terre-net Média) |
En attendant d’y parvenir, la réforme de la Pac ne passera pas l’épreuve de la volatilité des cours agricoles. En effet, la convergence et le verdissement ne constituent pas les axes d’une réforme pour assurer l’indépendance alimentaire de 500 millions d’Européens. Et ce, d’autant plus que, pour nourrir la population mondiale, la production agricole doit augmenter de 70 % dans les trente années à venir . Il semble que nous soyons les seuls à ne pas prendre la mesure de ce chiffre. Nous préférons nous focaliser sur des sujets périphériques faute d’objectifs stratégiques ambitieux.
L’épineuse question de la volatilité des prix agricoles
Ce débat sur la convergence et le verdissement a, par ailleurs, conduit à occulter l’épineuse question de la volatilité des prix agricoles, pourtant au cœur des politiques des autres grands pays producteurs agricoles. L’Union européenne se distingue en cela de ses partenaires commerciaux en n’ayant plus de mesures spécifiques à la hauteur des risques de marché supportés par les agriculteurs.
Notre indicateur Sgpa (soutiens globaux à la production agricole), qui fournit une analyse comparative des soutiens publics à l’agriculture, nous oblige à constater par conséquent que la Pac décroche par rapport aux autres politiques agricoles. Ainsi, au cours de la période 2005-2010, les soutiens globaux à la production agricole par habitant ont fortement augmenté en Chine, au Brésil et aux Etats-Unis (respectivement de + 130 %, + 60 % et + 40 %) alors que dans l’Union européenne, ils se sont à peine maintenus à leur niveau de 2005. Et la nouvelle Pac post 2013 n’apporte aucune réponse à cette volatilité : à chaque grand retournement des prix agricoles à la baisse, des agriculteurs abandonnent sans aucun espoir de retour.
Plaider pour des mécanismes de régulation
![]() « La Pac est devenue une "politique hors sol". Elle tourne le dos aux réalités économiques et emploie d’une manière inappropriée le budget public », estimeJacques Carles, délégué général de Momagri. (© Momagri) |
N’oublions pas que dans le même temps, nos concurrents dopent leurs budgets agricoles et utilisent notamment les paiements contra-cycliques.
Il ne s’agit pas de plaider pour plus de subventions, mais pour l’adoption de mécanismes de régulation des prix et des revenus qui donnent une visibilité à l’exploitant agricole. Ainsi en est-il des dispositifs contra-cycliques comme le préconise Momagri dans son projet "Une autre Pac est possible". Finalement la Pac est devenue une "politique hors sol". Elle tourne le dos aux réalités économiques et emploie d’une manière inappropriée le budget public.
Revisiter l'esprit de la Pac
Le système reposant à 60 % sur des paiements directs découplés n’est, en effet, plus viable car il s’apparente à un solde de tout compte inefficace et perçu comme injuste. Quand les prix sont élevés, il se surajoute aux revenus ; quand ils sont bas, il ne permet pas de couvrir les coûts de revient.
C’est l’esprit même de la Pac qu’il faut revisiter. Nous sommes entrés depuis plusieurs années dans une perspective environnementale de la politique agricole, qui exclut les objectifs stratégiques propres à l’agriculture et à l’alimentation.
C’est pourquoi nous sommes convaincus, à Momagri, que la réforme en cours de la Pac est de l’ordre des processus bureaucratiques finissants, portés par des courants historiquement datés, alors que beaucoup attendent une réforme adaptée aux enjeux de demain. Au-delà des dangereuses "manœuvrettes" d’aujourd’hui, les grandes manœuvres autour de la Pac sont à venir.
Des paiements contra-cycliques "anti-crise"
Momagri a construit un projet alternatif, "une autre Pac est possible". Plus efficace car fondé sur des paiements contra-cycliques "anti-crise". Respectant les enveloppes budgétaires pluriannuelles actuelles, voire induisant des économies importantes les années de prix élevés et stabilisant le revenu des agriculteurs. Et entrant dans les limites de l’Omc, décrétées unilatéralement par l’Europe, alors que les Usa s’en sont affranchis. Momagri démontre ainsi, simulations budgétaires à l’appui, que l’on peut et que l’on doit faire autrement.
On ne peut donc engager des négociations de libre-échange avec les Etats-Unis sans que l’Europe exprime ce qu’elle veut faire de son agriculture. Car si l’on s’en tient à l’étude réalisée par le Center for Economic Policy Research pour le compte de la Commission européenne, on entre dans le même processus d’intoxication des esprits qui a marqué le lancement du cycle de Doha.
Intoxication des esprits
En effet, le modèle économique comporte les mêmes biais que celui qui utilisé pour vanter les mérites d’un accord à l’Omc. Avec des gains de bien-être annoncés (+ 119 milliards d’euros pour l’UE et + 98 milliards d’euros pour les Etats-Unis) qui ne reposent sur aucune prise en compte de la réalité. Pire ces chiffres sont infimes au regard du potentiel économique des deux Etats : entre 0,3 et 0,5 % de gain de Pib pour l’UE et entre 0,2 et 0,4 % pour les Etats-Unis. Ils sont enfin très inférieurs à la marge d’erreur du modèle (5 %). Ils ne peuvent donc justifier à eux seuls des décisions économiques et politiques de grande ampleur.
Mais attention, le processus de négociation est lancé. Il faut donc repenser la réforme de la Pac au regard de cette négociation, qui pourrait être l’occasion d’un sursaut européen fondé sur une stratégie communautaire de long terme. »
Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°26
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