Sébastien Techer (Agritel) : « Les cours ne devraient pas baisser davantage ! »

Alors que la récolte de céréales bat son plein en France, les cours du blé flirtent désormais avec le plus bas niveau enregistré ces deux dernières années, à 181 €/t (rendu Rouen). (©Terre-net Média)

Terre-net Média : Le blé tendre standard rendu Rouen, qui cote 180 €/t sur le marché physique ce 7 août 2013, continue sa baisse depuis six mois.  Cette chute des prix qui peut légitimement inquiéter les producteurs, va-t-elle se poursuivre durablement ?

Sébastien Techer (Agritel) :  Malgré des cours qui restent encore aujourd’hui dans un canal baissier, et ce depuis décembre dernier, tous les facteurs actuels font que les prix ne devraient pas baisser sensiblement. En tout cas, avec un prix du blé à 180 €/t, le potentiel de baisse devient très limité.

Tnm : Pourquoi le blé ne pourrait-il pas descendre davantage ?

Sébastien Techer : Dans l’hémisphère Nord, les récoltes ont bien progressé. Aux Etats-Unis, la production devrait être meilleure que prévu, de même en Europe, où elle pourrait atteindre 128,5 Mt, en hausse de 3,8 % par rapport à 2012. En France,  les rendements et qualités au nord de la Loire sont souvent meilleurs que prévu. Même si, dans le Sud-Ouest et la façade atlantique, les résultats seront plus médiocres, nous estimons que la production française dépassera les 36 Mt, contrairement aux prévisions précédentes. L’Ukraine et la Roumanie sortiront également avec de  bons résultats. Ces bonnes récoltes attendues contribuent, il est vrai, à détendre le marché.

Mais il ne faut pas oublier que les stocks des principaux pays producteurs sont très faibles. La Russie, notre plus grand concurrent, pourrait produire 49 Mt en 2013 contre 37,7 Mt en 2012, mais doit reconstituer ses stocks. Son disponible exportable ne sera pas plus élevé que l’an passé, autour de 11 à 12 Mt.

Face à une offre en hausse mais qui servira d’abord à reconstituer les stocks, la demande de blé est très soutenue. La Chine a déjà contracté à l’achat 5 Mt depuis ce début de campagne, alors qu’elle en a acheté 3 Mt sur toute la campagne précédente. La demande brésilienne est aussi en hausse par rapport à l’an dernier.

Historique des stocks de report chez les principaux exportateurs de blé (©Agritel) 

Tnm : Avec un prix du blé autour de 180 €/t, on retrouve le plus bas niveau enregistré depuis deux ans. N’est-ce pas un prix devenu psychologique ?

Sébastien Techer : Tout à fait. Le support psychologique des 200 €/t a été cassé le 13 juin dernier. A court terme, le plus bas niveau de ces dernières années, soit 178 €/t atteint début décembre 2011, devient le nouveau support à surveiller. Pour les raisons évoquées précédemment, nous pensons que le blé ne descendra pas en dessous de cette zone comprise entre 175 et 180 €/t, mais restera plutôt dans une fourchette entre 180 et 200 €/t.

Tnm : A l’inverse, compte-tenu des tensions sur le marché mondial, un rebond est-il envisageable ?

Sébastien Techer : L’automne est souvent une période calme sur les marchés. Dans l’hémisphère Nord où les récoltes progressent bien, les cartes sont jouées. Les prix pourraient donc rester dans cette fourchette de prix au cours de la première partie de la campagne.  Il faudra cependant surveiller la production au nord de la Russie, qui représente 20 % du potentiel. Là-bas, après des semis tardifs à cause du froid, les cultures se sont mal développées à cause des pluies. Une mauvaise récolte dans cette région pourrait impacter sensiblement le marché.

Pour la seconde partie de campagne, en revanche, tous les yeux devront être rivés sur d’éventuels incidents climatiques en Australie et en Argentine. L’ouest australien connait déjà un déficit hydrique important. Si cette sécheresse perdure, une possible baisse de la production attendue viendra tendre encore l’offre.

Tnm : Que conseillez-vous donc aux agriculteurs pour la commercialisation de leur récolte ?

Face à la tendance baissière des prix ces six derniers mois, nous avons régulièrement conseillé les agriculteurs d’engager une partie de leur production. Aujourd’hui, les producteurs qui nous suivent ont engagé 60 % de leur récolte. Pour les 40 % restant, nous leur conseillons d’attendre. Un incident climatique en hémisphère Sud pourrait engendrer un rebond des cours autour de 200 €/t, voire au-delà, autour de 210 ou 220 €/t, en cas d’incidents importants en Australie ou Argentine.