Ces derniers jours, les cris d'alerte se sont multipliés : des abattoirs, réunis au sein du syndicat le Sniv-SNCP puis de la Fédération des industriels et des commerçants en gros de la viande (FNICGV). Tous font le même constat : la filière manque cruellement de compétitivité. Le coût du travail est trop lourd en France et la viande française n'arrive pas à concurrencer la viande allemande, où il n'y a pas de salaire minimum. Il y a trop de contraintes administratives. Les professionnels réclament notamment la fin des tests de dépistage de l'ESB (vache folle) sur les animaux arrivant en abattoir, comme l'autorise l'Europe depuis janvier 2013.
Enfin, la viande « origine France » n'est pas suffisamment valorisée, selon le secteur qui plaide auprès de l'Europe pour obliger la mention d'origine de la viande dans les plats préparés. Autant d'éléments qui conduisent à une baisse de la demande et une situation de surcapacité qui va contraindre Gad SAS à fermer l'un de ses deux abattoirs, celui de Lampaul-Guimiliau (Finistère). La production s'effondre : le cheptel porcin a perdu 2 millions de têtes depuis 2010, passant de 25 millions de porcs à 23 millions aujourd'hui. Même chose pour la viande bovine où la production s'est effondrée de 6% depuis le début de l'année, selon le FNICGV. Sans parler des oeufs ou de la filière volailles qui subit de plein fouet depuis cet été l'arrêt brutal d'aides à l'exportation qui lui permettaient de concurrencer sur le marché mondial les poulets brésiliens.
5.000 emplois supprimés ?
Deux entreprises sont directement touchées : Doux et Tilly-Sabco et 4.000 emplois liés au poulet grand export (23 % de la production de poulet en France) sont menacés. « Suite à la multiplication des plans sociaux dans le secteur agroalimentaire et l'absence de réponse satisfaisante de la part des pouvoirs publics », les salariés de Gad, Doux et Tilly-Sabco ainsi que Marine Harvet (saumon fumé) ont justement décidé d'unir leur force, selon la FGTA-FO. Ils appellent à la grève lundi et menacent de bloquer l'aéroport Brest-Bretagne dés 8h30.
« Au total, ce sont 5.000 suppressions de postes qui sont redoutées dans l'agroalimentaire en 2013», explique à l'AFP le président de l'association des industries alimentaires (Ania), Jean-Philippe Girard. Cet été, l'Ania en prévoyait entre 3.000 et 5.000. Entre-temps, le tableau s'est noirci. Le début de l'année avait déjà été marqué par le scandale de la viande de cheval, qui a terni l'image du secteur et a déjà coûté la vie au fabricant de lasagnes Fraisnor (100 salariés). Chez l'ex-Spanghero, rebaptisé La Lauragaise, 90 emplois sur 230 ont été maintenus. « On a jamais eu autant de dépôts de bilan : à 70 % dans le secteur de la viande et en Bretagne », première région agroalimentaire de France, a poursuivi Jean-Philippe Girard. En 2012, l'agroalimentaire avait perdu 3.900 emplois. Dans ces circonstances, le gouvernement assure être au chevet des entreprises.
S'agissant des demandes des professionnels, le ministre délégué à l'Agroalimentaire, Guillaume Garot, tente de répondre point par point. Sur le coût du travail, le gouvernement a mis en place le CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi), qui permet une baisse du coût du travail de 4 % en 2013 et de 6% en 2014. Sur la distorsion de concurrence avec l'Allemagne, le ministre assure que la France plaide en faveur d'un meilleur encadrement de la directive détachement des travailleurs qui permet à un pays d'embaucher dans un pays de l'Union européenne un travailleur d'un autre pays en bénéficiant du niveau de charges sociales du pays d'origine. « Cette directive ne peut pas être la porte ouverte à tous les abus», explique Guillaume Garot alors que de nombreux travailleurs détachés (de Pologne...) sont à l'oeuvre dans les abattoirs allemands. Mais le gouvernement ne reviendra pas sur l'écotaxe poids-lourds, imposée dès le 1er janvier aux camions roulant sur les routes sans péages. Y compris au monde agricole qui réclame une exonération.