« Je demande au Premier ministre, quel que soit l'avenir de cette écotaxe, d'annoncer une exonération pour toute la filière agricole : agroalimentaire, production, agrofourniture. Ça me paraît indispensable de faire cette annonce », a déclaré le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles sur la radio Europe 1.
L'écotaxe a été suspendue par Jean-Marc Ayrault face à la contestation en Bretagne la semaine dernière. Après cette annonce, la FNSEA s'était initialement déclarée « satisfaite », rappelant qu'elle demandait « un ajournement et pas une suppression ». Avec ces nouvelles déclarations, Xavier Beulin franchit un nouveau pas dans les revendications de l'organisation.
« Ça fait trois-quatre ans que la FNSEA demande à tous les ministres successifs de reprendre ce dossier de l'écotaxe (...) J'en demande l'exonération clairement ce matin », a répété le patron du syndicat agricole.
Un malaise plus profond
Face à la mobilisation qui se poursuit en Bretagne, le gouvernement a souhaité mercredi la signature d'un « Pacte d'avenir » avant la fin novembre, destiné à soulager la péninsule. Xavier Beulin a lui mis en garde l'exécutif de prendre seulement « des mesures particulières ».
« Le président de la FNSEA se fait engueuler tous les jours parce qu'on a le sentiment qu'on ne parle que de la Bretagne, alors que le malaise est beaucoup plus profond. Il touche beaucoup de régions », a-t-il assuré, citant pêle-mêle la Provence-Alpes Côte d'Azur, le Languedoc-Roussillon, la Lorraine, le Nord et le Centre.
La colère bretonne occupe le devant de la scène car l'industrie agro-alimentaire représente « 150.000 emplois directs », a reconnu Xavier Beulin. Mais « il y a des sujets transversaux, généraux, qui concernent l'ensemble de l'agriculture et de l'agro-alimentaire français », a poursuivi le syndicaliste.
Le président de la FNSEA a appelé le mouvement des Bonnets rouges, à la pointe des revendications bretonnes, à cesser les violences, alors que le gouvernement promet plus de sévérité à l'égard des fauteurs de troubles. « Si nous ouvrons des discussions, il faut savoir mettre un terme à ce genre de manifestions », a estimé Xavier Beulin, tout en insistant sur le cri d'alarme lancé par les agriculteurs en colère.
Grand écart
La FNSEA réalise ainsi un grand écart : condamner les actions des Bonnets rouges tout en s'alignant sur leur demande d'une suppression de l'écotaxe, en tous cas au moins pour le monde agricole.
Une posture qui contraste avec celle d'autres syndicalistes, à l'instar de Laurent Berger, le patron de la CFDT, pour qui dire que « l'agroalimentaire va mal et que c'est la faute de l'écotaxe, c'est de la mystification ». Pour Laurent Berger, c'est « l'approche productiviste développée par certains » producteurs, qui n'ont « pas regardé la nécessité de la montée en qualité de la production agroalimentaire », qui a « créé des drames sociaux ».
Analyse que semblent partager d'autres agriculteurs, ceux de la Confédération paysanne. « La situation actuelle de l'agroalimentaire est la conséquence de mauvais choix économiques de dirigeants d'entreprises, y compris coopératives, pariant incessamment sur la croissance des volumes, plus que sur la valeur ajoutée des productions bretonnes ». Et pour le syndicat minoritaire, « il y a un véritable travail à faire (...) pour que paysans et salariés de l'agroalimentaire ne soient plus tributaires d'un marché dans lequel ils ne sont que des pions. Et cette réflexion doit aussi prendre en compte les questions climatiques », l'écotaxe étant initialement destinée à inciter les entreprises à utiliser des modes de transports des marchandises moins polluants.
Sur Europe 1, Xavier Beulin n'a pas éludé ces questions mais a préféré évoquer une « co-responsabilité » des professionnels et du gouvernement. « Peut-on accepter que dans ce pays aujourd'hui, pour construire un bâtiment d'élevage, (...) il faille trois ans d'instruction quand on met six mois de l'autre côté du Rhin ? », a demandé Xavier Beulin, à titre d'exemple.