Jeune, prometteuse, la méthanisation française cherche ses marques

Tarification insuffisante ou inadaptée, réglementation sanitaire tatillonne, lobbying nucléaire pernicieux, volonté politique douteuse, fiscalité et bureaucratie décourageantes... Au cours des Premières rencontres nationales du biogaz accueillies cette semaine par le conseil régional de Midi-Pyrénées, à Toulouse, les acteurs de la filière ont évoqué les obstacles auxquels ils se heurtent, tout en manifestant par leur nombre (ils étaient des centaines) et leur discours leur confiance dans l'avenir. La méthanisation et son produit, le biogaz, n'ont pour ainsi dire que des avantages. Une unité de méthanisation récupère des matières organiques, les boues d'une station d'épuration, le fumier ou le lisier d'une exploitation agricole, les déchets de cuisine, de fromagerie industrielle ou de collectivité. Elle les transforme en biogaz pouvant servir à chauffer des centaines de logement ou à produire de l'électricité. Ce qui reste (le digestat) fait office d'engrais

Produire de l'énergie renouvelable en réduisant la pollution à l'azote et au méthane, se retrouver avec un fertilisant organique substituable aux engrais minéraux dans les champs, contribuer à l'autonomie énergétique des exploitations agricoles et assurer aux agriculteurs un revenu complémentaire dans un contexte de grande fragilité des ressources, créer une nouvelle activité manufacturière en période de déconfiture industrielle: la méthanisation paraît une évidence à laquelle l'Allemagne, avec d'autres réalités énergétiques certes, s'est rendue bien avant la France.

L'influence du lobby nucléaire

Dans le secteur agricole, concerné au premier chef, le parc allemand est fort de milliers d'unités. La France en comptait 90 fin 2012, à l'équilibre financier instable. Un rapport ministériel de fin 2012 énumérait tous les freins au développement de la méthanisation agricole, comme le refus en France des cultures énergétiques spécialement destinées à approvisionner les méthaniseurs. Le gouvernement français a lancé en mars un plan "Energie méthanisation autonomie azote". Objectif : dénombrer 1.000 méthaniseurs à la ferme à l'horizon 2020. Le plan mobilisera deux milliards d'euros d'investissements et créera environ 2.000 emplois pérennes, selon le gouvernement. Malgré l'annonce, avec ce plan, d'un appel à projets, d'une « optimisation » du tarif d'achat de l'électricité produite à partir du biogaz ou d'une simplification des procédures administratives, les acteurs de la filière soulignaient cette semaine à Toulouse qu'il restait fort à faire.

« La filière réclame des tarifs d'achat d'électricité différenciés et appropriés aux différents projets. Si la volonté politique est au rendez-vous, ces tarifs seront accordés. Ce n'est pas ce qu'on entend dans les couloirs », disait Madeleine Charru, présidente du Comité de liaison énergies renouvelables (CLER, qui regroupe plus de 150 professionnels des énergies renouvelables. Plus globalement, « le développement des (énergies) renouvelables n'est pas politiquement soutenu parce que le lobby nucléaire fait son travail ». Un potentiel de 16.000 emplois Alain Guillaume, président des Agriculteurs méthaniseurs de France, déplorait que ces derniers se retrouvent « rattrapés par la fiscalité » foncière qui, si elle n'est pas adaptée urgemment, scellera « un échec véritable » de la filière.

Antoine Jacob, président du "Club biogaz" de l'Association technique énergie environnement (ATEE, interlocuteur des pouvoirs publics et de la profession), relevait qu'il fallait cinq ou six ans en France pour instruire un dossier quand il en faut deux en Allemagne. Il insistait surtout sur la nécessité pour une filière aussi jeune de se structurer et de se doter d'un comité de pilotage pour « faire bouger les lignes » sur les tarifs ou les règles et pour fixer des objectifs. Pour autant, lui et d'autres se montraient confiants. Naskeo, entreprise constructrice d'unités de méthanisation, a créé 40 emplois directs et peut-être 150 avec les emplois induits depuis sa création en 2005, a indiqué son directeur général délégué, Marc Bauzet. La méthanisation a le potentiel pour créer 16.000 emplois directs et indirects d'ici à 2020, selon une projection du "Club biogaz". « Si on ne considère pas comme important de créer 16.000 emplois aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'on considère comme important », disait M. Jacob.

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