Un an et demi après son arrivée rue de Varenne, mais avec deux mois de retard par rapport au calendrier initial du ministère de l’Agriculture – le texte était attendu début septembre – Stéphane Le Foll a présenté en conseil des ministres son projet de loi d’avenir agricole. Un projet de texte dont la version qui servira au débat parlementaire n’a subi, selon le cabinet du ministre, que très peu de modifications, suite à son passage au Conseil d’Etat.
Et quoi qu’il en soit, la mesure phare du texte reste la création des Giee, dans l’objectif de faire accéder les exploitations à la double performance économique et environnementale.
Lors de la conférence de presse au ministère qui a suivi la présentation du projet à l’Elysée, le ministre de l’Agriculture, sans réel enthousiasme au regard de la place centrale qu'il a donné à ce projet dans son action, a évoqué, outre cette double performance, la rénovation du dispositif à l’installation, afin que « les nouveaux installés âgés de plus de 40 ans puissent être accompagnés comme les autres ».
En matière de relations commerciales, le projet instaure de manière définitive le médiateur des relations commerciales, dont les pouvoirs seront étendus à ceux exercés aujourd’hui notamment dans la filière laitière. En fait, le recours au médiateur sera élargi à tous les contrats, et plus seulement à ceux qui lient les fournisseurs des enseignes de la grande distribution. De plus, ce recours sera rendu obligatoire avant tout recours judiciaire, avec le risque, pour les fournisseurs dénonçant les pratiques commerciales des distributeurs, de rallonger considérablement les contentieux.
La loi d’avenir a aussi vocation à renforcer le contrôle des structures et à donner plus de moyens aux Safer dans l’exercice de leurs missions, pour « limiter l’agrandissement excessif des exploitations ».
« C’est quand même un peu maigre ! »
Mais à peine le projet de loi est-il présenté que le doute semble s’installer chez les représentants syndicaux. La Confédération paysanne, qui a indiqué vouloir « commenter chaque semaine un thème du projet de loi », s’inquiète déjà des imprécisions du texte. « L’un des principaux enjeux de la Loi sera bien de renforcer les règles sur les sociétés agricoles, sortes de bateaux ivres depuis la loi d’orientation de 2006 ». Selon le syndicat, le projet de ferme de 1.000 vaches notamment, combattu ardemment par ses adhérents, ne pourrait pas voir le jour avec ce texte. « Ou presque, puisque le seuil de déclenchement du contrôle manque cruellement de précision, et pourrait rendre caduques les avancées apparentes. »
A la Fnsea, le projet est jugé à l’aulne des difficultés actuellement rencontrées par certaines filières agricoles et agroalimentaires. « C’est quand même un peu maigre ! » a ainsi déclaré Xavier Beulin, lors d’une conférence de presse commune avec l’Ania et Coop de France. « L’agro-écologie ? Oui, d’accord, mais à condition qu’on y mette des moyens et surtout qu’on permette l’entreprenariat et l’innovation. » Selon lui, certains passages du projet de loi sonnent comme « un repli sur soi qui n’est pas acceptable aujourd’hui. »
La Coordination rurale, elle, estime que le projet « n'apporte aucune solution concrète aux graves problèmes des agriculteurs, mais il vient en outre compliquer encore leur situation ». Selon le syndicat, « en quinze ans, cinq grandes lois auront été votées, censées orienter l'agriculture. Au contraire, les agriculteurs sont désorientés par le rythme de ces évolutions, eux qui doivent se baser sur un temps plus long pour les décisions concernant leurs exploitations et qui attendent, en vain, un choc de simplification. »
Partagés, Jeunes agriculteurs estiment, que le projet « apporte à l’agriculture des mesures qui prennent en compte les grands enjeux actuels, mais reste néanmoins « perfectible ».
Le projet de loi va désormais entamer son long parcours parlementaire, d’abord à l’Assemblée nationale, dont les débats dans l’Hémicycle sont prévus à partir du 7 janvier 2014 après une période de travaux en commission parlementaire du 10 au 13 décembre 2013. Le tout sera piloté par Germinal Peiro, député de Dordogne, qui a été nommé rapporteur du projet de loi.