Sur le papier, l'idée peut faire frémir les automobilistes franciliens mais des départements comme la Seine-et-Marne ont refusé de s'associer aux cortèges, ainsi que le nord du Bassin Parisien, qui mobiliseront à leur tour le 29 novembre.
L'appel est parti lundi à l'insu des directions nationales : dans un même communiqué, la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles d'Ile-de-France (FDSEA) et la section régionale des Jeunes Agriculteurs (JA) appellent leurs adhérents à la « mobilisation générale pour un blocus de Paris » jeudi 21 novembre, pour exprimer leur « ras-le-bol d'une sur-fiscalisation ». Ils en profitent pour réclamer la démission du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, accusé d'« incompétence notoire ».
Première nouvelle, semble dire le président des JA François Thabuis, aussitôt contacté par l'AFP qui insiste sur la dimension « très locale du mouvement, qui ne concerne que l'ouest de l'Ile-de France ». L'appel survient de plus à un moment où la direction nationale des JA privilégie, selon François Thabuis, « les propositions de fond notamment via la loi d'avenir » agricole qui vient d'être présentée en Conseil des ministres.
De son côté, Xavier Beulin, le patron de la puissante FNSEA, avait bien insisté la semaine dernière sur le fait qu'il n'appellerait pas à de nouvelles mobilisations contre l'écotaxe notamment, après que le Premier ministre à ajourné la mesure.
Damien Greffin, qui préside la FDSEA d'Ile-de-France, confirme que la mobilisation est dispersée et se dit prêt à « recommencer » avec les autres le 29. Mais « à un moment donné, la situation est telle qu'on ne peut pas ne pas réagir » justifie-t-il, évoquant un « cumul » de taxes et de réglementations qui conduit au « ras-le-bol » notamment chez les producteurs de betteraves et les céréaliers.
« Il y aura de la gêne »
« On n'appelle pas à la révolution ni à la guerre civile », se défend-il. « On ne souhaite pas emboîter le pas aux bonnets rouges, mais dans notre situation, on est obligés d'avoir une action dure et probablement impopulaire », affirme-t-il. Il cite les surcoûts de l'écotaxe, mais aussi les réglementations environnementales et fiscales qui s'empilent et les dispositions de la nouvelle Politique agricole commune (PAC), « toujours en discussion, mais qui se traduira par 30 à 40 % de revenus en moins pour les grandes cultures ». « On est en train de sacrifier toute une filière qui rapporte à l'Etat », insiste-t-il.
Pour Stéphane Le Foll, c'est d'ailleurs bien « la réforme de la PAC et la redistribution d'une partie des aides des céréaliers à l'élevage » qui est en cause dans ce mouvement d'humeur. « La question de la surfiscalité, c'est une autre question qu'on utilise aujourd'hui pour s'engager dans des manifestations », affirmait-il lundi soir sur France 2, en prévenant qu'il n'avait « pas l'habitude de céder aux ultimatums ».
Comme pour lui donner raison, les associations de producteurs de blé (Agpb) et de maïs (Agpm) ont appelé mardi « les céréaliers à soutenir les manifestations départementales », afin de « dénoncer la redistribution anormale (des aides européennes) au profit des 52 premiers hectares » - surdotés dans la nouvelle PAC pour soutenir les petites exploitations.
Reste à évaluer les perturbations aux abords de Paris. Damien Greffin affiche l'intention de faire bloquer les « principaux axes », mais il sait aussi que « si nos adhérents ont entendu notre appel, les forces de l'ordre aussi » et qu'il sera sans doute difficile de faire passer les tracteurs.
« Il y a aura de la gêne », a pressenti Xavier Beulin. Interrogé mardi sur BFM Business, le président de la FNSEA a choisi d'appuyer les manifestants locaux en arguant d'un « mouvement un peu général en France », qui conduit « les régions à prendre des initiatives » - façon d'admettre que celle-ci ne vient pas de lui. « Les agriculteurs sont responsables, ils ont fait la promesse qu'il n'y aurait plus de violence, mais ils ont envie de se faire entendre car la situation l'impose », a-t-il défendu.