« Le développement des exploitations en Picardie est la conséquence de la poursuite du modèle agricole des années 60 : produire des quantités importantes sans réflexion sur les débouchés. Selon ce modèle, il faut reprendre à tout prix du foncier, quitte à "écrabouiller son voisin", et intensifier la production pour faire du volume. Cette logique, où seule la conquête des terres importe, conduit l’agriculture dans l’impasse car les paysans ne sont pas plus rémunérés mais plus endettés.
Dans la Somme, il n’y a eu qu’une trentaine d’installations aidées l’an passé, dont une seule en production laitière, car le lait ne paie plus. Avec cette politique, il y a moins de paysans dans les villages, les écoles et les commerces ferment, les territoires ruraux se vident de leurs emplois.
La ferme des 1.000 vaches n’est qu’un projet industriel pour lequel le promoteur sera grassement aidé par nos impôts, de la construction subventionnée du bâtiment à la gestion rémunérée des déchets, en passant par l’octroi d’aides Pac et le soutien de l’Etat concernant le tarif de rachat de l’électricité issue du méthaniseur. A côté, ce sont 50 éleveurs laitiers qui baissent les bras. Dans 20 ans, la filière laitière française ne se résumera peut-être plus qu'à 1.000 exploitations de cette taille. Voulons-nous faire de nos filières agricoles des systèmes d’intégration verticale où les producteurs ne maîtrisent plus rien ?
Refuser ce modèle n’est pas un combat d’arrière-garde. Je dis simplement qu’il n’est pas porteur d’avenir d’un point de vue social. Quand je me suis installé il y a 25 ans, j’ai choisi une voie alternative, comme il en existe beaucoup d’autres. Sur la ferme de 70 ha que nous avons reprise à mon beau-père travaillent trois chefs d’exploitation et près de 20 équivalents temps plein ! L’accaparement n’existe pas dans le dictionnaire du développement durable. »
Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°30
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