Avec environ 40 milliards d'euros d'aides européennes perçues, et 42,4 milliards supplémentaires inscrits dans la nouvelle perspective financière pour 2014-2020, l'agriculture polonaise se réforme et se modernise rapidement, faisant changer le paysage de la Pologne.
« A l'époque du cheval, nous étions importateur net de produits agricoles. Aujourd'hui, nous en sommes un grand exportateur, avec des ventes de près de 20 milliards d'euros et un excédent de près de six milliards », déclare à l'AFP Marek Sawicki, le ministre polonais de l'Agriculture.
Désormais, 76 % des exportations alimentaires polonaises vont vers des pays de l'UE. Le revenu agricole réel par actif a progressé en Pologne de près de 70 % entre 2005 et 2013, comparé à la moyenne européenne de + 29 %, selon Eurostat. Le pays est devenu un marché important de machines et d'investissements agricoles. « En dix ans, nous avons doublé notre production de volailles, nous avons augmenté de 30 % la production de lait et de produits laitiers. Nous sommes devenus le premier producteur de champignons de Paris, devant les Pays-Bas. Nous sommes le premier exportateur de pommes dans le monde, devant les Chinois », énumère Marek Sawicki.
A Regnow (centre), un groupe de 48 fruiticulteurs exploitent 800 ha de vergers, avec un gigantesque centre de stockage et de tri de pommes, un des fleurons de l'agriculture polonaise. « C'est l'établissement le plus moderne d'Europe », déclare fièrement à l'AFP Roman Jagielinski, président du groupe. Equipé de grandes chambres froides et d'une chaîne de tri où, avant de trouver sa place dans la cagette, chaque pomme est analysée sur ordinateur, le centre a été construit pour environ 50 millions d'euros, à 75 % remboursés par l'UE. D'une capacité de stockage de 18.000 tonnes de fruits, cet établissement en développement permettra bientôt au groupe de trier et conserver jusqu'à 60.000 tonnes de pommes par an, avec un objectif de 100.000 tonnes à terme. « Nos pommes se retrouvent sur les marchés de Lisbonne jusqu'à Vladivostok, d'Oslo à Athènes », se vante Roman Jagielinski, lui-même ministre de l'Agriculture dans les années 1995-96, en caressant une imposante moustache, son seul vestige du paysan traditionnel polonais.
Changements structurels
Les 10 ans dans l'UE ont provoqué des changements structurels, mais aussi d'importantes disparités entre les exploitations et les régions de Pologne. Sur environ 1,4 million de fermes, un tiers restent aujourd'hui quasiment inactives, alors que près de 250.000 autres assurent 80 % de la production agricole polonaise, indique Piotr Nowak, sociologue à l'Université Jagellonne de Cracovie. La surface moyenne des exploitations augmente : elle est passée d'à peine 7,5 ha à plus de 10,5 ha, selon le ministère de l'Agriculture. Malgré une baisse du nombre d'exploitations et d'agriculteurs, la population est en hausse dans les zones rurales.
« La philosophie des agriculteurs a changé, comme celle de l'ensemble de l'opinion publique. Jusqu'au début des années 2000, l'agriculture était considérée comme un problème à résoudre. Depuis, elle est devenue elle-même une solution à d'autres problèmes en Pologne : c'est elle, avec son potentiel d'exportation, qui génère des créations d'emplois dans la transformation de produits agricoles et dans les services », explique Marek Sawicki.
Avant l'élargissement de l'UE en mai 2004, les paysans polonais y étaient très réticents, voire même hostiles. Aujourd'hui, ils ont bien changé d'avis. « Le taux des agriculteurs ayant une approche positive de l'UE atteint 75 % », indique Jerzy Wilkin, expert en économie agricole à l'Université de Varsovie.
Impensable il y a 10 ans
Jaroslaw Pyta, pomiculteur de Franapol (centre), a agrandi son exploitation de 8 à 28 hectares. « J'ai profité de tous les programmes d'aide européens qui étaient à ma disposition. J'ai installé un nouveau système d'arrosage, j'ai acheté des machines et modernisé les chambres froides », indique-t-il, en attendant avec impatience l'arrivée d'un camion russe qui vient chercher des pommes à sa ferme. « J'estime qu'il faudrait maintenant s'ouvrir aux marchés arabes, africains », dit-il sans complexes, avant de constater : « il y a dix ans, je n'y pensais même pas ».