La bourse Euronext, spécialisée dans le commerce à terme des matières premières agricoles se concentrera sur le beurre, la poudre de lait écrémé et la poudre de lactosérum, les trois produits dérivés les plus recherchés par l'industrie, précise-t-elle. Euronext permet aux producteurs et aux acheteurs de vendre à terme à trois, six mois et davantage afin de se prémunir contre les yoyos des cours.
« Ce complexe permettra ainsi aux acteurs de l'industrie laitière européenne de couvrir leur exposition face aux risques de fluctuations de prix sur ce marché volatil, au moment-même où les quotas laitiers prendront fin sur le marché européen », indique Euronext dans un comuniqué. « Ce lancement sera soumis à la revue règlementaire appropriée par les régulateurs », ajoute le groupe.
« A l'image de ce qui s'est passé sur les autres marchés comme le blé et le maïs, la fin de l'encadrement va rendre les producteurs beaucoup plus dépendants des cours mondiaux », explique Michel Portier, fondateur et président du cabinet de conseil Agritel. « La fin des quotas va entraîner une très forte hausse de la production européenne ; or, l'Europe étant autosuffisante en lait, ce surplus va intégralement s'orienter à l'exportation et sera d'autant plus corrélé au marché mondial », note-t-il. Une étude d'Agritel estime que la production de lait pourrait augmenter de 30 % d'ici 2020 en Allemagne, - qui s'est mise en ordre de marche avec des fermes de 2.500 vaches, explique Michel Portier - et sans doute trois fois moins en France.
"se couvrir contre la volatilité des prix"
La course aux matières premières agricoles n'a cessé de s'amplifier depuis le début des années 2000 et le lait en fait partie avec la forte poussée de la demande dans les pays émergents, notamment en Chine où la population préfère les laits importés aux fabrications locales, suite à plusieurs scandales alimentaires qui ont affecté les bébés.
L'Europe est déjà le numéro un mondial de la production laitière et le deuxième exportateur mondial de produits laitiers.
Aussi, pour le patron d'Agritel, l'ouverture d'un marché à terme sur les produits laitiers est « une bonne nouvelle, en fournissant aux industriels un outil de gestion approprié pour se couvrir contre la volatilité des prix ».
Mais Gérard Calbrix, économiste de l'Atla, l'Association de la Transformation laitière, première utilisatrice du lait frais, est loin de partager cet enthousiasme : « En tant qu'industriels laitiers on n'a jusqu'à maintenant pas trouvé d'intérêt à ce genre de contrats et je ne vois pas pourquoi il y en aurait » affirme-t-il. Il relève « une grande ambiguïté sur le type de produits proposés comme des matières premières agricoles, qui n'en sont pas : les produits concernés ce sont déjà nos produits finis et encore, une toute petite partie, 10 à 15 %, de ce que nous proposons », indique-t-il. « C'est comme si on proposait aux fabricants de Coca ou de Pepsi un marché à terme sur le cola... »
Il en veut pour preuve la précédente tentative d'Euronext en 2010 de lancer un contrat sur la poudre de lait écrémé : « Personne n'y est allé, ça n'a jamais fonctionné », rappelle-t-il. « Notre lait, nous l'achetons directement aux producteurs, c'est un produit pondéreux et hautement périssable pour lequel il n'y a pas de marché possible. Et nos produits finis, nous les vendons à la grande distribution », tranche-t-il. Les seuls, selon lui, qui pourraient voir un intérêt à ces nouveaux contrats seraient les industriels de l'alimentaire, fabricants de biscuiteries et de viennoiseries et de lait infantile.
Aux Etats-Unis, la bourse des matières premières agricoles de Chicago offre déjà des contrats sur le beurre et certains produits laitiers.
