Une question fiscale, mais aussi juridique et pratique

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Paysage rural et agricole
Les bénéfices réalisés par les sociétés de personnes relevant du régime de l’impôt sur le revenu sont déterminés et déclarés au niveau de la société mais ils sont imposés au nom personnel des associés. (©Terre-net Média)

L’essentiel des sociétés d’exploitation agricole, Gaec, Earl, Scea, relèvent du régime de l’impôt sur le revenu, ce qui implique que les associés soient directement imposés sur la part de résultat qui leur est attribuée du fait du contrat de société. Cette clef de répartition peut être modifiée en cours de vie de la société et doit être constamment maîtrisée par les associés.

Le principe fiscal

Les bénéfices réalisés par les sociétés de personnes relevant du régime de l’impôt sur le revenu1 sont déterminés et déclarés au niveau de la société mais ils sont imposés au nom personnel des associés. Chacun d'eux est imposé à l’impôt sur le revenu à raison de la part des résultats sociaux qui lui est attribuée, compte tenu des règles de répartition du résultat telles qu'elles résultent du pacte social, et ce que le résultat soit effectivement prélevé ou non.

Autrement dit, en application de l'article 8 du Cgi, les bases d'imposition de chaque associé d'une société de personnes doivent être déterminées par référence à une répartition des résultats sociaux correspondant à leurs droits dans la société.

Toutefois, un acte ou une convention peut conférer aux associés des droits différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social.

Répartition statutaire ou non ?

La répartition du résultat social s'effectue conformément aux droits des associés résultant soit du pacte social, soit d'un acte ou d'une convention ayant pour objet de conférer expressément à l'un ou à l'autre des associés des droits différents.

En dehors de toute mention statutaire ou d’un acte spécifique, la « part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social »2. Une clause statutaire peut cependant établir une clef de répartition qui peut reprendre ce principe légal ou s’en écarter. Il est aussi possible d’établir cette clef par une décision d’assemblée générale, prise à l’unanimité, qui fera l’objet d’un simple Procès verbal d’assemblée générale (PV d’AG) ou sera intégrée aux statuts.

Il n’y a pas d’obligation de mentionner la clef de répartition des résultats dans les statuts d’une société civile de type Gaec, Earl, Scea…, rien n’interdit de se contenter d’un PV d’AG. Il semble cependant préférable de prendre la précaution de prévoir dans les statuts que cette clef sera établie en AG et qu’elle sera décidée à l’unanimité, du fait des incidences d’une telle décision sur les engagements des associés3. Pour plus de clarté dans le suivi et l’information des associés, il peut être, en outre, utile d’intégrer cette clef au règlement intérieur de la société, une fois qu’elle est établie ou modifiée.

La question se pose toutefois de savoir si les statuts, ou un acte régulièrement passé entre les associés, peuvent régir la répartition des déficits de manière différente de celle des bénéfices. Une telle possibilité parait être ouverte par la loi et ne semble pas a priori être exclue par la jurisprudence4.

On peut résumer le schéma d’établissement des droits des associés dans les résultats sociaux de la manière suivante :

  • les droits dans les bénéfices et la contribution aux pertes des associés sont déterminés à proportion des parts sociales qu’ils détiennent ;
  • mais par convention, une clause statutaire ou une décision d’assemblée générale, peut définir une clef de répartition différente, applicable aux bénéfices ou aux pertes, voire définir une clef pour les bénéfices et une autre pour les pertes ;
  • à la fin de la société, après paiement des dettes (sinon il faut répartir un mali de liquidation) et remboursement du capital, les associés partagent l’actif (boni de liquidation) dans les mêmes proportions que leur participation aux bénéfices (parts sociales, clause statutaire ou PV d’AG), sauf à avoir prévu, a priori dans leur statut, une clef de répartition différente (boni et/ou mali)5.

Répartition conventionnelle dérogatoire

La liberté des associés d’une société de personnes dans l’établissement de leur clef de répartition du résultat est très grande, tant qu’ils ne mettent pas en place une clause léonine (voir infra).

Par exemple, deux associés peuvent détenir le capital social de leur société à hauteur respectivement de 70 % et de 30 %, tout en décidant de se répartir le résultat de façon égalitaire, du fait qu’ils travaillent tous les deux à égalité dans l’entreprise.

La clef choisie par les associés peut être motivée par des préoccupations ou des objectifs très variables. Elle peut tenir compte du capital investi, de la nature des biens apportés, de la participation au travail et/ou à la gestion, mais aussi des terres mises à disposition, des sommes laissées en compte courant…. Il est intéressant de noter que tenir compte des terres mises à disposition ou des sommes laissées en compte courant n’interdit pas de rémunérer spécifiquement, par ailleurs, ces éléments, par un loyer fixe pour les terres, ou un taux d’intérêt, lui aussi fixe, pour les comptes courants. Rappelons que ces rémunérations, par un loyer ou un taux d’intérêt, constituent, à certaines conditions, une charge fiscale pour la société et un revenu foncier ou de capitaux mobiliers pour l’associé.

Cette technique peut même s’inscrire dans une stratégie patrimoniale au sens où elle permet d’orienter des flux financiers vers telle ou telle personne tout en conservant la stabilité du capital et, par conséquent, la propriété du patrimoine à savoir les parts sociales et les droits de vote qui y sont attachés.

Il est même parfaitement envisageable de limiter une modification de la clef de répartition du résultat au simple résultat courant. Le résultat exceptionnel sera, quant à lui, et selon les choix opérés, réparti selon une autre clef différente ou selon la clef issue du capital social.

Il est tout aussi envisageable de prévoir qu’une modification de la clef soit applicable sur une période retreinte, pour un, deux ou x exercices, à l’issue de laquelle une autre clef, par exemple la participation au capital, sera applicable.

La question des motivations au choix d’une clef de répartition spécifique doit être discutée entre associés. C’est une question fondamentale pour le maintien d’une bonne entente. C’est aussi une question importante dans l’optique d’adapter les modalités de fonctionnement de la société aux objectifs des associés. Si la société doit servir de cadre à la transmission de l’exploitation, une clef qui favoriserait celui qui détient le plus de capitaux, terres, comptes courants, risque de créer un déséquilibre qui ne permettra pas la transmission.

Cette question des motivations est enfin primordiale face à l’administration fiscale si elle conteste les conséquences du choix opéré, ce qu’elle peut faire pour le choix d’une clef de répartition comme pour toute autre décision de gestion.

La lecture de l’administration fiscale6

D’un point de vue fiscal, les bases d'imposition des associés d'une société de personnes doivent être déterminées par référence à une répartition des résultats sociaux présumée faite conformément au pacte social. L’administration fiscale admet cependant que, lorsqu'un acte ou une convention antérieure à la clôture de l'exercice confère aux associés des droits différents dans les bénéfices sociaux, la base d'imposition de chacun d'eux soit alors déterminée en tenant compte des stipulations de cet acte ou de cette convention, ce qui confère une totale sécurité fiscale aux intéressés.  

Ainsi, à défaut d'une telle convention, un associé ne peut déduire de ses propres revenus imposables une quote-part de déficit supérieure à celle qui résulte de ses droits statutaires dans la société appréciés à la date à laquelle le déficit est subi, quelle que soit la part du déficit qu'il prend effectivement à sa charge.

L’administration fiscale reconnaît cependant parfaitement la validité de ces conventions. Mais, pour produire ses effets sur le plan fiscal, les règles de répartition dérogatoire doivent figurer dans un acte ou une convention régulièrement conclue entre tous les associés avant la clôture de l'exercice et porté à la connaissance des tiers.

Bien entendu, la nouvelle clef choisie par les associés ne devrait pas l’avoir été dans un but exclusivement fiscal.

Validité de la convention

Cette convention doit être régulièrement conclue et enregistrée avant la date de clôture de l’exercice au cours duquel elle trouve à s’appliquer.

En pratique, cette décision devra donc respecter les règles de tenue de l’assemblée générale, voire, en sus, les règles de modification des statuts s’il faut en passer par là.

­Il convient par ailleurs de prévenir deux difficultés principales :

  • La première réside dans l’interdiction de prévoir des clauses léonines.

En effet, la stipulation, attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société, ou l'exonérant de la totalité des pertes, ainsi que celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes, est réputée non écrite.

Ainsi, la clause qui priverait un ou plusieurs associés de tout droit aux bénéfices doit être considérée comme inopposable, tant entre les associés que vis-à-vis des tiers. Il en serait de même de celle qui affranchirait un ou plusieurs associés de sa contribution aux pertes.

  • La seconde réside dans l’exigence d’une date certaine.

Une convention conclue postérieurement à la date de clôture d’un exercice donné ne peut avoir d’effet opposable à l'administration sur la répartition du résultat généré au cours de cet exercice, et ce même si les parties ont entendu lui conférer un effet rétroactif.

Il faut donc apporter la preuve de la date à laquelle la convention a été passée, sachant que cette date doit être antérieure à la clôture de l’exercice au cours duquel on entend l’appliquer.

Cette preuve sera apportée par l’enregistrement de l’acte (PV d’AG) dans le mois de sa date, au centre des impôts compétent.

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