Pendant huit heures, François Hollande avait arpenté les allées du parc des expositions, Porte de Versailles à Paris, multipliant les bains de foule et les échanges avec les agriculteurs dans une ambiance conviviale. Une vraie visite « à la chiraquienne » !
Mais cette visite, c’était celle de 2015. Un an plus tard, l’ambiance risque fort de ne pas être la même. Lorsqu’il inaugurera le 53e salon de l’agriculture samedi 27 février dès l’aube, vers 6h30, il devra faire face à de nombreuses interpellations de producteurs, qui témoigneront de leurs difficultés et qui expliqueront que la réaction de l’Etat n’est pas suffisante pour aider les producteurs de lait, de porcs ou de bovins viande, ou pour alléger, pour tous, les contraintes réglementaires et administratives. Et, d'une manière ou d'une autre, la colère des agriculteurs qui manifestent toujours devant les préfectures, les centrales d'achat ou les GMS, se manifestera aussi dans les allées du Parc des expositions.
Certes, aucune organisation professionnelle n’a appelé au boycott de l’événement, par respect pour les visiteurs. Dans le hall 1, les bovins, ovins, caprins et porcins seront présents. D’ailleurs, des producteurs et visiteurs feront sûrement remarquer que Cerise, la vache officielle de cette édition a bien une lettre en trop dans son nom.
Le « e » en trop de Cerise
Dans les allées, certains éleveurs porteront un t-shirt noir mentionnant quelques slogans de détresse : « Je suis éleveur, je meurs », « Elevage français, état d’urgence » ou encore « Je suis éleveur, je veux vivre de mon métier ». Prim’holstein France invite les éleveurs qui le souhaitent à le porter. La structure de promotion de la race a aussi prévu d’afficher la détresse des éleveurs lors du concours Prim’holstein, prévu lundi, en déployant une grande banderole de 15 m par 4 m. Sur le ring, les éleveurs qui présenteront les vaches porteront des chemises noires, et non blanches.
Du coté des syndicats aussi, l’une des priorités est de profiter de la plus grande vitrine de l’agriculture pour sensibiliser les visiteurs à la cause agricole. Jeunes agriculteurs a prévu sur son stand une grande carte de France que les élus régionaux devront venir signer pour concrétiser trois engagements : sur un accès au foncier facilité pour les jeunes, sur un approvisionnement de la restauration collective en produits français et plus globalement sur un soutien à l’installation.
La Confédération paysanne, elle, organisera autant de tables rondes que de jours d'ouverture du salon, pour expliquer ses positions sur tous ses thèmes de revendications : relocalisation de l'agriculture, Tafta, biodiversité, Notre-Dame-des-Landes et foncier, et bien évidemment crise de l'élevage.
Les politiques priés de venir avec des réponses
La FNSEA n’oublie pas qu’un Salon de l’agriculture est, certes une vitrine de la profession, mais surtout une vitrine politique. Avec la mise en place des nouvelles régions depuis début janvier 2016, la multiplication des candidatures aux primaires voire à la présidentielle 2017 – dans 14 mois ! – le défilé des politiques sera plus médiatisé que celui des vaches sur le ring. Et les élus devront « mouiller la chemise » et s’y préparer : la FNSEA leur a adressé un questionnaire composé de 13 questions reprenant l’essentiel des causes de la crise agricole. « Quels engagements pour rééquilibrer le rapport de force au sein de la chaîne alimentaire ? Pour adapter le compte pénibilité ? Pour mettre en place des outils de gestion des risques ? Pour limiter le dumping social européen ? Pour simplifier les normes ? Pour étiqueter l’origine des viandes ? » « Les élus devront venir avec des réponses », a prévenu Xavier Beulin, le président de la FNSEA.
En 2007, José Bové faisait une remarque qui reste tout aussi pertinente à chaque édition : « Ce n’est pas en venant taper sur le cul des vaches qu’on défend l’agriculture ». A bon entendeur…