Une protection pour l'excellence et le revenu des producteurs du Sud

Le célèbre chef voyageur et marin Olivier Roellinger, passionné d'épices, fait de longue date place au poivre de Kampot, cultivé sur la rive cambodgienne du Golfe de Siam : « délicat et intense, d'une teneur en bouche exceptionnelle » écrit-il à propos du noir, quand le rouge, « encore plus exceptionnel », est un « poivre de dessert aux notes de caramel, vanille et miel ». Les producteurs cambodgiens ont relancé après la fin de la guerre et du régime khmer rouge (1975-1979) cette culture renommée depuis les rois d'Angkor et dont les colons français au 19è siècle avaient accru le commerce.

Le poivre de Kampot a décroché la première IG cambodgienne en 2010, en même temps que le sucre de palme et, aussitôt, ses prix ont bondi, raconte Sarang Sok, conseiller de la filière, rencontré au Salon international de l'Agriculture à Paris. « On était à 10 dollars le kilo avant l'IG, c'est 15 aujourd'hui ». Mais surtout, rappelle-t-il, avant le début du long processus de certification, entamé en 2007 avec la procédure d'enregistrement, le producteur touchait moins d'1,50 dollar le kilo.

Le poivre de Kampot, un modèle pour de nombreux produits africains

Du coup, de 120 producteurs en 2010 dans la province de Kampot, on est passé à plus de 340. « On a atteint en 2015 les 60 tonnes, dont 36 vendues à l'export dans les épiceries fines » reprend Lyeang Hay, vice-président de l'association des planteurs et seul producteur bio de Kampot. Avec 180 ha plantés on est loin des quelque 4 000 ha de l'époque coloniale. « Mais si on arrive ne serait-ce qu'à la moitié de ça, c'est déjà pas mal ! » rit-il. Et aussi l'IG sert de bouclier anti-fraude face aux faux poivres de Kampot venus de Chine.

La success-story du poivre de Kampot, dont l'IG a ouvert la porte de marchés exigeants, est un modèle pour nombre de productions africaines, remarque Aurélie Ahmin-Richard, chef de projet IG à l'Agence français de développement (AFD) qui a accompagné la première IG d'Afrique sub-saharienne en 2013. Celle-ci a distingué le poivre de Penja, dans le sud-ouest du Cameroun. Une démarche lancée surtout pour assurer la traçabilité et le contrôle de la production, et contrer ainsi la fraude sur le marché national. Mais là encore l'IG a attiré nombre de producteurs en quintuplant leurs revenus entre 2011 et 2015.

Défendre les productions traditionnelles

De même que le concept d'IG a explosé en France après guerre pour protéger les tradition agricoles et surtout le vin, l'enjeu est de protéger les producteurs au Nord, comme au Sud, face à la mondialisation. « Elle permet au producteur de défendre sa tradition et au consommateur de retrouver le goût de la diversité », estime Mme Ahmin-Richard. Le label est délivré selon un processus rigoureux par les États et sous le contrôle des communautés de producteurs, ce qui évite les passe-droits et la corruption, explique-t-elle. « La reconnaissance d'une IG peut prendre de trois à six ans », reprend la jeune femme. « Parce qu'outre le signe de qualité, elle donne aussi un droit de propriété collectif à une communauté, elle lie une production et la spécificité du produit à un territoire. Il faut donc que tous ces critères préalables soient remplis et le cahier des charges de la filière précisément défini ».

Ce qui se fait en lien avec les agronomes du CIRAD, spécialistes des filières tropicales, pour définir les variétés utilisées, leur mode de culture, leurs qualités propres et l'Association africaine de la propriété intellectuelle (OAPI, 17 pays membres). Avec le poivre de Penja, le Cameroun a décroché une autre certification IG pour le miel d'Oku (nord-ouest) et la Guinée a obtenu sa première IG pour le café Ziama-Macenta. Aujourd'hui ces deux pays souhaitent poursuivre avec de nouvelles filières, mais d'autres pays sont demandeurs, dont le Bénin pour l'ananas Pain-de-sucre et la Côte d'Ivoire pour les toiles de Korogo, des tissus de coton traditionnels du nord, et un café des montagnes.

Le Cambodge vise maintenant l'IG pour l'huile de riz et certaines soies. La démarche coûte au producteur, qui doit payer les contrôleurs chargés de veiller au respect de la démarche, souligne Aurélie Ahmin-Richard. Mais le résultat est là. Sur le continent, seul le Maroc était déjà installé dans le processus avec l'huile d'Argan, rappelle-t-elle. Elle accompagne également deux certifications en Tunisie, les dattes Deglet Nour et l'huile d'olive de Téboursouk.

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