![]() Le colloque était parrainé par Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture. Il attend des propositions des chercheurs pour donner un nouveau souffle aux systèmes de polyculture-élevage. (© Inra) |
Dans le Laugarais, on produisait de tout, même si le territoire est réputé pour ses veaux fermiers ! Etendu sur trois départements, aux portes de Toulouse, les agriculteurs étaient assurés de dégager chaque année un revenu, car il y avait toujours une production qui pouvait en rattraper une autre.
Mais voilà, il n’y a plus que 100 éleveurs de veaux alors que la coopérative "Veaux de Laugarais" en dénombrait plus de 1.200 il y a 40 ans. Et l’avenir de la profession n’est plus porté que par une trentaine d’éleveurs de moins de quarante ans. Les autres n’ont pas été remplacés ou se sont spécialisés dans des productions parfois moins contraignantes.
Une baisse des systèmes de polyculture-élevage
Au-delà du Laugarais, la polyculture-élevage (Pce) caractérisait une grande partie de l’agriculture française et reposait sur un nombre important d’exploitations et de paysans. Mais de recensement en recensement, on constate qu’elle régresse concomitamment à la baisse du nombre de paysans. Les systèmes de polyculture-élevage sont de moins nombreux, soit parce que les fermes sont reprises par d’autres pour s’agrandir, soit parce que les prix des céréales incitent les éleveurs à se reconvertir.
L’absence de prix rémunérateurs, la pénibilité et les choix politiques en faveur d’un découplage de la production agricole vont à l’encontre de l’intérêt des éleveurs depuis des années. Une des priorités majeures de la Pac visant en effet à légitimer les fonds publics, son approche agronomique et écologique n’est pas réfléchie, selon les agriculteurs, pour défendre leurs intérêts. Ils abandonnent leurs productions animales, ce qui les conduit à la spécialisation des territoires et à une uniformisation de l’agriculture.
Une renaissance de la polyculture-élevage s’inscrit dans un mouvement de fond qui va au delà des Set ! Elle suppose un recouplage très fort. Mais la France ne peut pas faire cavalier seul.
Quoi qu’il en soit, pour maintenir la Pce dans notre pays avant même d’envisager un nouvel essor, il faut d’abord comprendre les maux dont elle souffre avant de trouver les solutions adéquates. Des solutions qui vont au-delà d’enjeux agronomiques comme pourraient le laisser entendre certaines interventions d’experts lors du colloque organisé conjointement par l’Inp de Purpan et l’Inra les 4 et 5 juin derniers.
Pendant deux jours, il revenait en effet aux experts invités de montrer que « les systèmes de polyculture-élevage portent une ambition pleine de modernité et qu’ils sont au cœur de l’agro-écologie » que Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture souhaite promouvoir dans le cadre de la loi d’avenir de l’agriculture en cours d’élaboration ainsi que dans la mise en œuvre de la Pac après 2014.
Partout dans le monde, la polyculture-élevage retrouve un intérêt. Mais il n’y pas unanimité pour en faire un modèle. Et certaines tentatives pour la réhabiliter, aux Pays-Bas par exemple, ont même avorté. Un programme de restauration de la polyculture dans les bassins laitiers s’est en effet conclu par un échec dès que les aides allouées aux éleveurs ont été supprimées. Les enjeux de revenu et de rentabilité à court terme l’ont emporté sur l’intérêt de poursuivre un tel programme qui nécessite, pour le respecter, de consacrer du temps et d’accepter de nouvelles contraintes de travail parfois en porte à faux avec les objectifs de rentabilité. L’absence de politique foncière stable avec des contrats de location de courte durée et des fermages onéreux rendent ces systèmes vulnérables faute de lisibilité et expliquent cet échec.
Concevoir de nouveaux systèmes agro-économiques
En France, le droit de fermage et l’encadrement des loyers pourraient au contraire faciliter les réorientations d’exploitations vers la polyculture-élevage et des itinéraires culturaux selon un plan d’actions pluriannuel. Leur diversité sera ainsi l’antidote d’une intensification et d’une uniformisation de la production.
En effet, c’est en « rompant le lien historique entre uniformisation et intensification de la production que l’on passera d’un paradigme basé sur des économies d’échelle à un paradigme basé sur des économies de gamme ».
Mais il ne s’agit pas, selon les experts du colloque, de restaurer une forme d’agriculture ancestrale mais de concevoir de nouveaux systèmes agro-économiques avec des impacts environnementaux acceptables.
Le maintien voire le développement des systèmes en Pce, soulève aussi des questions relatives à l’emploi, aux infrastructures nécessaires pour accompagner ce mouvement et plus globalement à l’attractivité des territoires pour y exercer une telle activité. Il faut aussi prendre en compte les particularités des territoires.
Certains d’entre eux sont d’ores et déjà des déserts économiques tandis que d’autres se voient contraints de renoncer à l’autonomie fourragère des exploitations en raison de leur densité. C’est la situation rencontrée dans la zone de production d’Oussau-Iraty dans le Pays basque. On n’y imagine pas casser des dynamiques au nom de l’autonomie fourragère tant louée et qui est pourtant un des fondements de la polyculture-élevage. Aussi, on n’exclut pas de revoir le cahier des charges de l’Aoc en étendant la zone d’approvisionnement en fourrage.
En Bretagne, le souci est d’abord la disparition de l’élevage et la préservation de l’emploi avant d’envisager la polyculture-élevage qui conduirait à une désintensification de la production et donc à une surcapacité des abattages. La crise relègue même les questions environnementales au second plan pour ne pas davantage porter atteinte au tissu industriel.
A l’échelle de l’exploitation, la conversion à la polyculture-élevage suppose aussi une réappropriation des métiers d’agriculture et sa polyvalence.