Le président français, qui s'exprimait devant la presse en marge du sommet des chefs d'Etats précédant la COP30 à Belem au Brésil, s'est dit « plutôt positif » quant à la possibilité d'accepter ce traité de libre-échange, tout en affirmant rester « vigilant ».
Des déclarations suivies quelques heures plus tard par celles de la ministre française de l'agriculture (issue de LR) Annie Genevard, pour qui les garanties obtenues par la France pour protéger ses cultivateurs et éleveurs ne sont pas encore suffisantes. « Les lignes rouges de la France sont connues depuis le départ (...) Et aujourd'hui, même s'il y a des avancées, le compte n'y est pas », a-t-elle dit dans un message posté sur X.
Il y a un an, la Commission européenne signait à Montevideo un projet d’accord avec les pays du Mercosur alors que la France, au lendemain d'une censure, n'avait pas de Gouvernement. La forme et le fond de l'accord étaient inacceptables.
— Annie Genevard (@AnnieGenevard) November 7, 2025
Depuis, je me suis engagée sans relâche…
A gauche comme à droite, une grande partie de la classe politique a de nouveau martelé vendredi que cet accord devait être « rejeté », s'indignant des propos d'Emmanuel Macron.
Pour le puissant syndicat agricole FNSEA, la position du chef de l'Etat est « un reniement total ».
Après avoir affirmé au monde agricole « sa ferme opposition » à cet accord, le président Macron se dit désormais plutôt enclin à l'accepter, depuis le Brésil, « au coeur du territoire de nos concurrents agricoles », a réagi Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, dans un message sur X.
« En choisissant ce moment et ce lieu pour tendre la main au Mercosur, le Président de la République signe sa rupture avec l'agriculture française », prévient-il, dénonçant un « affront ». « Nous ne laisserons pas brader notre modèle, nos emplois ni notre souveraineté. Nous serons combatifs, avec le soutien des Français, pour refuser un accord qui sacrifierait notre agriculture sur l'autel d'une mondialisation sans règles », ajoute-t-il.
Comme c’était malheureusement prévisible, et malgré les promesses réitérées le 4 novembre par Annie Genevard, Emmanuel Macron sacrifie l’agriculture française 🇫🇷 sur l’autel du Mercosur pour faire plaisir au président brésilien.
— Coordination Rurale (@coordinationrur) November 7, 2025
Depuis le début, la CR dénonce ce jeu de dupe et… pic.twitter.com/uJW8sNqzvk
Même son de cloche chez les autres grands syndicats. Pour Véronique Le Floc'h, présidente de la Coordination rurale, « le Mercosur, c'est la mort de l'agriculture ».
Historiquement opposée aux accords de libre-échange, la Confédération paysanne dénonce « une trahison ». « Il nous avait dit, la main sur le coeur, au Salon de l'agriculture, qu'il s'opposerait à cet accord. C'était sa responsabilité d'aller chercher le soutien des autres Etats membres pour trouver une minorité de blocage. On est plus qu'en colère », a déclaré à l'AFP un de ses porte-parole, Stéphane Galais.
Cet accord, sur la table depuis des décennies mais signé fin 2024, doit permettre à l'UE d'exporter davantage de voitures, machines, vins... en Argentine, au Brésil, en Uruguay et au Paraguay. Mais il facilitera aussi l'entrée de boeuf, volaille, sucre, miel... via des droits de douane réduits.
« Plan social »
Emmanuel Macron a cité jeudi l'obtention par la France de clauses de sauvegarde renforcées censées préserver les produits agricoles européens en cas de brusque hausse des importations ou baisse des prix liées à l'importation de produits latino-américains.
Mais pour tous les syndicats sectoriels français, ces clauses ne protègent en rien les produits agricoles d'une distorsion de concurrence liée à des normes environnementales et sanitaires bien moins exigeantes en Amérique du Sud qu'en Europe.
Cet accord, décrié aussi par une majorité de la classe politique française, intervient alors que de nombreuses filières agricoles sont en souffrance, par exemple l'élevage bovin, qui redoute de s'en trouver un peu plus déstabilisé : aujourd'hui, les importations d'aloyaux venues du Mercosur arrivent déjà à des coûts inférieurs de 18% à 32 %, selon l'Institut de l'élevage.
« Faire respecter en dehors de l'Europe ce que l'on exige de nos producteurs en Europe est une condition incontournable », a martelé vendredi le patron de la FNSEA, qui appelle « les eurodéputés français à faire bloc pour s'opposer à cet accord », dont la Commission européenne a lancé le processus de ratification.
Emmanuel Macron « décide de sacrifier l'agriculture, il valide un plan social qui ne sera pas qu'agricole, mais ira bien au-delà. Et demain, je ne sais pas qui entretiendra nos territoires », a dit Véronique Le Floch vendredi à l'AFP. « Ces clauses de sauvegarde, on n'en veut pas. Il faut sortir de l'agriculture de ces accords de libre-échange. C'est tout ».
Parmi les « lignes rouges » citées par la ministre française de l'agriculture, figurent l'obtention de clauses de sauvegarde « opérationnelles », mais aussi des « mesures miroirs » garantissant que les produits respectent les mêmes normes, avec des « contrôles renforcés » sur les produits importés.
A l'issue d'une rencontre entre le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, la présidence brésilienne a indiqué mercredi qu'ils étaient « disposés à signer » l'accord lors du sommet du Mercosur, le 20 décembre à Rio de Janeiro.