Désigné fin mars coordinateur interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture, l’ancien député Olivier Damaisin a répondu aux questions et aux impatiences concernant le déploiement de cette feuille de route. Si une centaine de coordinateurs départementaux sont désormais désignés, la mise en place des comités à l’échelle locale traine en longueur, déplore ainsi Bernard Simon, président de la MSA Armorique. « L’administration s’est-elle saisie du plan mal-être ? » demande-t-il.
Olivier Damaisin reconnaît « un loupé », car sur l’ensemble des coordinateurs, 70 sont issus de la DDT, 30 de la MSA et 7 seulement des chambres d’agriculture, un réseau qui a davantage l’habitude d’être sur le terrain, concède-t-il. C’est d’autant plus important que « le ras-le-bol des agriculteurs est manifeste », comme l’ont montré les mobilisations de début d’année, explique-t-il.
Suite de la feuille route lancée en 2021, le plan interministériel de prévention du mal-être comprend sept chantiers : prévention des actes suicidaires, accès aux droits, revenus, reconnaissances des maladies professionnelles, santé, sécurité et qualité de la vie au travail, meilleure organisation entre vie familiale et vie professionnelle, meilleur accompagnement des transitions agricoles.
En parallèle, certaines mesures d’accompagnement spécifiques étaient prévues dans la loi d’orientation agricole – pour le moment en suspens –, notamment en matière d’installation et de transmission, deux périodes où les exploitants agricoles sont particulièrement vulnérables.
Le droit à l’essai, important pour trouver sa place
Il en est ainsi du volet social prévu dans le cadre des diagnostics à l’installation, mais également du droit à l’essai pour les agriculteurs qui veulent se tester en conditions réelles avant de se lancer dans un Gaec. Ce dispositif, qui existe en Haute-Savoie, oblige les futurs associés à une année d’essai avant de s’installer. Aurélie Hurdy, éleveuse et secrétaire générale de JA 74, a bénéficié de cette mesure. Après un premier test non concluant sur l’exploitation de son frère, elle s’est finalement installée en Gaec sur une autre ferme, après un deuxième essai. « C’est important de se tester à toute saison, sur un an complet pour à chaque fois trouver sa place », surtout « qu’une entreprise agricole dépasse le cadre strictement professionnel, et déborde forcément sur la vie privée », témoigne-t-elle.
Ce droit à l’essai revêt tout son importance dans le cadre familial, où « le risque de conflit est le plus important », explique Danielle Guilbaut, consultante formatrice RH. En famille, « on n’ose pas dire ce qu’on veut vraiment, on est là pour poursuivre ce que la génération précédente a fait, on ne pose pas la question de l’équilibre entre personnes. Le plus douloureux, c’est souvent au sein des fratries, car on rejoue l’équilibre qu’il y avait quand on était enfant », ajoute-t-elle.
Le « passage de relais », pré-retraite ou sortie « par le haut »
Si la première année d’installation peut être un moment où l’isolement se fait le plus sentir, l’approche de l’arrêt d’activité constitue également une période de forte vulnérabilité. « On a fait une proposition concrète, le passage de relais, qui permet de sortir de ces situations dramatiques tout en permettant la continuité de l’activité agricole en installant un nouvel agriculteur », explique Julien Rouger, vice-président de Jeunes Agriculteurs, demandant le soutien d’Olivier Damaisin.
Si la mesure représente 10 M€, il s’agit « d’un super investissement », insiste le vice-président de la FNSEA, Luc Smessaert, car « on sauve des gens par le haut, et on transmet à un jeune, il faut juste avoir du courage politique ». L’idée est de cibler 10 dossiers par an dans chaque département, « ce n’est pas un plan de restructuration de l’agriculture », défend-t-il, considérant davantage le dispositif comme une forme de pré-retraite. « Il faut que ça aboutisse, et que ce soit sur la table du prochain projet de loi de finances », ajoute le vice-président de la FNSEA.
Retrouvez l'intégralité des échanges de cette journée organisée par les chambres d'agriculture, la FNSEA, Jeunes Agriculteurs, la Coopération agricole, la MSA, Groupama et le Crédit Agricole dans la vidéo ci-dessous :