Voilà quatre ans que Vincent Brûlé met en place des couverts permanents, essentiellement composés de trèfle, sur son exploitation de Meigné-le-Vicomte (Maine-et-Loire). Auparavant, il utilisait une faucheuse pour gérer leur croissance, mais depuis deux ans, il a investi en Cuma dans un broyeur Desvoys de 6,4 m. L’idée est de restituer la matière organique au sol. L’intérêt est double, car la méthode s’avère agronomiquement intéressante tout en offrant un débit de chantier important, assure le producteur de grandes cultures, en agriculture de conservation des sols (ACS) depuis 2016.
En ACS, toutefois, les adeptes du broyeur ne sont pas si nombreux, loin s’en faut. « Le plus souvent, ce sont les agriculteurs en possédant déjà un sur la ferme pour d’autres usages qui l’utilisent », constate Frédéric Thomas, consultant et formateur en ACS. Sur sa ferme de 200 ha, Vincent Brûlé broie environ un mois après la moisson des céréales afin de détruire les dicotylédones estivales. Après celle de colza, il passe le broyeur pour tailler les tiges à 10 cm, « cela permet de nettoyer le sol et de faciliter le travail des rapaces qui contrôlent ainsi mieux les mulots », précise-t-il. L’outil peut aussi lui servir pour une première coupe de luzerne, avant qu’elle ne monte à graine.
Quoi qu’il en soit, le broyeur ne sert pas à détruire les couverts, mais plutôt à les gérer. À l’exception, sans doute, de quelques plantes telles que le tournesol ou le sarrasin, qui ont du mal à repartir une fois la tête coupée. « Mais comme en général un couvert végétal est diversifié, le broyeur ne peut pas tout détruire », glisse Marie Morineau, animatrice du pôle formations agronomiques à Sky agriculture.
Remplacer le déchaumage
À Liré (Maine-et-Loire), Damien Époudry se sert parfois du broyeur de la Cuma pour éliminer les cannes de maïs grain après leur récolte. « Je fais mon semis de couverts à la volée, explique-t-il, après la récolte de maïs, puis je passe un coup de broyeur et les résidus recouvrent les semences. Cela offre de bonnes levées de couverts ! » Le broyeur « peut être le moyen de rabattre tout ou partie de la végétation, de tailler très court pour nourrir le sol, notamment sur des terres argilo-calcaires qui ont énormément de mal à digérer la paille, met en avant Frédéric Thomas. L’activité biologique accélère la décomposition des résidus de paille et on a un couvert qui reste vivant, qui continue à repousser. »
Autre utilité : tailler très court la végétation dans un scénario de couverts relais. « On implante les deux mélanges de couverts simultanément pendant l’été ou l’automne, puis on rabat le premier pour donner un peu de lumière au second afin qu’il puisse repartir », développe l’agronome, fondateur et rédacteur de la revue spécialisée TCS. Le broyeur peut aussi avoir un intérêt pour les couverts mono-espèces tels que le sorgho, et remplacer un déchaumage. « On implante d’abord un sorgho multicoupe, puis on vient le broyer en été, ce qui permet de nettoyer le sorgho avec tout le salissement, décrit Frédéric Thomas. Le sorgho va redémarrer, inonder la parcelle et la tenir propre jusqu’à l’installation d’une culture future. On tire ainsi parti de la capacité du sorgho multicoupe à pouvoir repartir en plein été. »
Axe vertical ou horizontal ?
Reste à savoir quel type de broyeur choisir. Il en existe deux grandes catégories, à axe horizontal ou vertical. La première représente l’écrasante majorité des modèles vendus. « Si on veut faire de la destruction de couverts, c’est un axe horizontal qu’il faut, surtout si on a de gros couverts, parce que l’axe vertical n’a pas assez de dégagement pour absorber toute la biomasse », prévient Régis Hélias, ingénieur régional et animateur de filière agrobio chez Arvalis-Institut du végétal. « En ACS, généralement, on préfère l’axe horizontal, abonde François Travers, commercial chez le fabricant mayennais Desvoys. Parce qu’une fois la moisson faite, on sème à la volée et on broie pour avoir un résidu, afin de couvrir le sol. Or l’axe horizontal permet d’obtenir une bonne qualité et une bonne finesse de broyage, une réelle répartition des résidus. » Frédéric Thomas, lui aussi, opte pour l’axe horizontal : « L’homogénéité de travail est meilleure. » L’axe vertical a tendance à andainer la végétation, ce qui n’est pas le premier effet recherché !
« Tout ce que l’on peut faire avec un axe vertical, on peut le faire avec un axe horizontal », insiste de son côté Régis Hélias. Le choix de l’outil doit se faire en fonction de ses besoins agronomiques, de la répartition et de la vitesse de dégradation des résidus dans le sol. Sur les broyeurs à axe horizontal, différents types de couteaux existent : courbés, cuillères, droits ou marteaux. Ils permettent un broyage plus ou moins fin. La qualité de l’outil s’évalue selon trois critères, selon Mathieu Jadé, commercial chez Desvoys : la finesse du broyage, la répartition derrière la machine et l’aspiration. « Au niveau de ces trois points-là, il n’y a pas photo, l’axe horizontal fait un meilleur travail », ajoute-t-il.
La Noyantaise a choisi l’axe vertical
Vincent Brûlé acquiesce sur les deux premiers points, mais pas sur le troisième. Pour lui, c’est au contraire le broyeur à axe vertical qui permet de mieux aspirer la végétation : « Quand la lame tourne, cela crée une sorte de dépression qui aspire les plantes et réalise une coupe nette. Les systèmes à axe vertical ne produisent aucune déchirure, contrairement à ceux à axe horizontal. » Si le producteur cherche la repousse, le système est donc particulièrement intéressant. La Cuma La Noyantaise a investi il y a deux ans dans un broyeur à axe vertical Desvoys de 6,4 m de largeur de travail en semi-porté, de type girobroyeur. « Ce qui nous a fait pencher pour l’axe vertical, c’est son aspect moins énergivore et son efficacité », argumente Vincent Brûlé. L’outil travaille sur ses roues, un tracteur de 110 ch suffit donc pour l’utiliser. Et question débit de chantier, il faut compter 4 ha/h.
Les adhérents de la Cuma ne regrettent pas leur choix. L’outil a coûté 28 000 € et d’après les calculs du responsable matériel Romain Deslandes, le coût hectare est de 6,30 €/ha, 22,50 € si les coûts de la main-d’œuvre et du tracteur sont inclus. 217 h étaient engagées sur la machine, elle en a fait 287 l’an passé. « Preuve que les agriculteurs adhérents sont satisfaits, sinon l’outil ne ferait pas autant d’heures ! », se réjouit Vincent Brûlé qui « ne reviendrait pas en arrière ». D’ailleurs, il est déjà question de le renouveler. « Vu le nombre d’heures effectué, un modèle 8 m ne nous coûterait pas plus cher… », indique-t-il.
Broyeur… ou rouleau ?
Qu’il soit à axe horizontal ou vertical, cependant, le broyeur ne semble pas plébiscité par les producteurs en ACS. « Passer le semoir en direct derrière lui s’avère compliqué, car les résidus bourrent les disques semeurs », constate Damien Époudry. Mais comme tous les autres, c’est surtout à cause de son coût dissuasif qu’il s’en sert de moins en moins. « Le rouleau Faca est une arme beaucoup plus économique », tranche Frédéric Thomas. En termes de consommation énergétique, c’est du simple au double avec le broyeur ! Pour Marie Morineau, en outre, agronomiquement, le rouleau Faca se montre bien plus intéressant : « Le broyeur mulche et donc provoque une minéralisation plus rapide. La matière organique sera dégradée très vite et les éléments nutritifs seront restitués aux plantes. Mais si les micro-organismes détruisent la biomasse trop rapidement, le risque de “faim d’azote” existe et ne permet pas d’implanter la culture quinze jours après. Il faut le faire soit aussitôt après le broyage, soit un mois plus tard. » Avec le rouleau Faca, les plantes sont découpées, ce qui conserve des fibres plus longues.
La faim d’azote arrivera bien plus tard. Sans oublier que le paillage en surface offre un double intérêt : conserver l’humidité du sol après les précipitations et limiter le salissement de la parcelle en bloquant la lumière. « Avec le rouleau Faca, la structure du sol est aussi mieux tenue, poursuit l’ingénieure agronome. La matière organique se lie à l’argile, la structure devient un peu rugueuse et permet d’avoir une bonne infiltration d’eau. » Par ailleurs, « du point de vue environnemental, le broyeur n’est pas si propre que ça », précise Frédéric Thomas. « La faune sauvage, faisans ou lièvres, risque d’être happée par la machine, de même que les insectes et de nombreux auxiliaires qui se mettent à l’abris dans les tiges creuses. »
Le broyeur, plus polyvalent
Le broyeur présente toutefois des avantages. « Dans un couvert qui commence à se salir, c’est un bon moyen pour éviter que les adventices ne montent en graines sans pour autant détruire le couvert », explique Frédéric Thomas. L’outil est bien pratique pour gérer les problématiques ray-grass, les graminées à un stade jeune. Il permet aussi de s’occuper d’un sorgho en plein été, contrairement au rouleau Faca. « Le broyeur passe dans tous les sols, met en avant François Travers, commercial chez Desvoys. Le rouleau Faca ne passe pas dès que c’est humide, il n’a pas démontré sa polyvalence. »
« Le broyeur reste intéressant sur une exploitation parce que son utilisation est plus large que la simple destruction des couverts », fait valoir de son côté Julien Bauer, chef de produit marketing chez Maschio Gaspardo, l’un des principaux fabricants. Le modèle phare de la firme italienne, un porté repliable de 6,20 m, sert surtout à broyer les résidus de cultures.