Au cours d’un échange dans le cadre de la préparation du Pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA), organisé par les députées LFI et Nupes, Manon Meunier et Marie Pochon, plusieurs agricultrices et représentantes d’organisations telles que l’Oxfam, la Confédération paysanne, la FAEDAR et les CIVAM, ont dénoncé les inégalités subies par les femmes dans le monde agricole, en dépit de leur forte implication dans la nécessaire transition agroécologique.
La PLOAA ou le maintien du statu quo
« Aujourd’hui on a peu d’espoir d’un véritable changement de la part du gouvernement dans la préparation du texte. Les premières annonces sont très peu ambitieuses et laissent plutôt présager un maintien du statu quo en matière d’installation, de résilience face au changement climatique et de changement de modèle attendu et nécessaire », déplore Marie Pochon.
Selon la députée, ce projet de loi devrait permettre de faire face au double défi représenté par le changement climatique et le renouvellement des générations. Il s’agirait en effet d’une opportunité « pour insuffler un nouveau modèle », grâce à l’installation de nouvelles agricultrices susceptibles d’accélérer la transition agricole.
« Les femmes sont celles qui portent le plus de projets en accord avec cette transition, dans le cadre de l’agriculture bio, des circuits courts, ou de l’élevage extensif, et ce sont également elles qui souffrent en premier d'un manque d’engagement de l’état au profit de ces pratiques agroécologiques », poursuit la députée. Elle regrette notamment que ces modèles, représentant « moins de 5 % des subventions publiques ne soient pas plus encouragés par des politiques publiques privilégiant l’agrobusiness ».
La persistance des inégalités de genre
« Les femmes représentent 1/3 des installations en agriculture mais leur place est trop souvent invisibilisée. Plus de 132 000 femmes d’exploitants agricoles sont privées de statut actuellement, et si 40 % des personnes dans les points accueil installation (PAI) sont des femmes, seulement 20 % d’entre elles bénéficient de la dotation jeune agriculteur (DJA). Par ailleurs, uniquement 57 % des agricultrices sont en mesure de prendre leur congé maternité, en raison des problématiques de remplacement », souligne Marie Pochon.
Afin de mieux appréhender l’impact des inégalités de genre sur l’adaptation au changement climatique, l’OXFAM a produit en début d’année une étude sur la question, en utilisant les données préexistantes de services statistiques tels que l’Agreste. Il en ressort une inégalité de revenu plus importante que dans les autres secteurs, de l’ordre de 29 %, entre les hommes et les femmes, se traduisant par une retraite de 570 euros par mois pour les agricultrices contre 840 euros par mois pour les agriculteurs.
A cela s’ajoute la problématique du statut de conjoint collaborateur, une surreprésentation des CDD, des difficultés d’accès aux financements contribuant à renforcer ces inégalités, les subventions de la Pac étant majoritairement attribuées aux hommes, et plus particulièrement aux céréaliers en raison de la superficie de leurs parcelles, ou aux cultures bovines, secteurs dans lesquels les femmes sont moins représentées », souligne Elise Naccarato, Responsable de campagne climat et sécurité alimentaire d’Oxfam France.
Les pistes pour faire évoluer le modèle agricole
Dans un premier temps, il paraît important de produire des données genrées fiables et systématiques afin de mieux documenter et adresser ces situations et de lutter contre les difficultés d’accès au savoir et aux ressources avec une réforme de la formation initiale et continue, qui peut concerner la conduite des engins agricoles.
« On demande également à tendre vers la parité dans les organisations agricoles, en s’inspirant de systèmes de quotas et d’instaurer des critères d’égalité homme-femme dans l’attribution des subventions. La réforme de la dotation jeune agriculteur constitue également une piste à étudier, afin d’éviter le renforcement des inégalités de genres », soutient Elise Naccarato.
Les agricultrices sont davantage affectées par le changement climatique dans la mesure où elles sont surreprésentées dans les secteurs plus vulnérables au changement climatique tels que la viticulture, le maraîchage, l’agriculture de subsistance, alors même qu’elles sont porteuses de solutions. « Réduire les inégalités de genre favoriserait une meilleure adaptation au changement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre », conclut la représentante d’Oxfam France.