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L’acte d’entraide se définit comme un contrat d’échange de services, à titre gratuit, entre agriculteurs. Celui qui apporte son aide est appelé le prestataire ; celui qui la reçoit, le bénéficiaire. Les services échangés consistent en travail (participation à la traite d’animaux, aux labours…) et/ou en moyens d’exploitation (mise à disposition de matériel). La convention d’entraide est régie par les articles L. 325-1 et suivants du Code rural.
Un écrit n’est pas nécessaire pour qu’il y ait contrat d’entraide
Les relations d’entraide peuvent résulter d’un engagement initial exprès, ou d’un accord tacite découlant de la mise à disposition de matériel ou de l’exécution de certains travaux. Le plus souvent, l’entraide est un contrat oral. L’entraide peut être occasionnelle, temporaire ou intervenir d’une manière régulière. Les juges considèrent que l’opération d’entraide est constituée dès lors que l’aide apportée par un exploitant est de celles que les agriculteurs se rendent habituellement entre eux dans l’intérêt de leur exploitation, même si elle apparait comme le premier service. Pour reconnaitre la formation d’une telle convention, certains juges exigent toutefois que les agriculteurs se soient préalablement concertés. En effet, il ne faudrait pas conclure à l’existence d’une convention d’entraide dans l’hypothèse d’une aide purement fortuite.
A titre exceptionnel, le Code rural exige l’établissement d’un contrat écrit dans le cas particulier d’une exploitation soumise au régime d’autorisation des exploitations de cultures marines.
La convention d’entraide est un contrat à titre gratuit
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Elle est exclusive de toute contrepartie pécuniaire ou en nature, sous peine d’être requalifiée en un contrat de travail ou un bail. Cette absence de rémunération du service rendu ou du prêt de matériel est caractéristique du contrat d’entraide. Pour autant, le bénéficiaire est autorisé à rembourser au prestataire tout ou partie des frais engagés par ce dernier (comme par exemple les frais de carburant du tracteur prêté). D’ailleurs des barèmes départementaux d’entraide, établissant un coût de chaque matériel sont parfois publiés, à titre indicatif. Les juges admettent aussi que l’acte d’entraide conserve son caractère gratuit quand le bénéficiaire remet au prestataire quelques produits de l’exploitation manifestant un simple échange de bons procédés entre agriculteurs voisins ou encore lorsqu’il rembourse au prestataire des frais de réparation d’un engin agricole.
La convention d’entraide suppose la réciprocité de services ente agriculteurs
L’entraide est un échange de services : la prestation de travail est exécutée en contrepartie d’une autre prestation personnelle ou matérielle ou dans la perspective de recevoir une aide équivalente. Elle suppose donc une réciprocité des prestations. La jurisprudence considère qu’entre agriculteurs, cette réciprocité est présumée et c’est pourquoi elle estime qu’il y a acte d’entraide dès le premier service rendu si ce service entre dans le cadre de ceux que les agriculteurs sont susceptibles de se rendre.
La convention d’entraide suppose que les intéressés aient la qualité d’exploitant agricole. Les juges reconnaissent cette qualité à l’agriculteur retraité qui a conservé une certaine activité sur ses terres. Il y a convention d’entraide lorsque le service est rendu par le prestataire lui-même comme par ses salariés ou les membres de sa famille, que ces derniers travaillent ou non sur son l’exploitation.
Accidents du travail d’entraide : le prestataire demeure responsable
En cas d’accident du travail, l’entraide agricole renverse le régime de responsabilité de droit commun. L’article L.325-3 du Code rural prévoit que dans le cadre d’une convention d’entraide, « Le prestataire reste responsable des accidents du travail survenus à lui-même ou aux membres de sa famille, ou à toute personne considérée légalement comme aide familiale, ou à ses ouvriers agricoles ». Il ne peut exercer de recours fondé sur les articles 1382 et suivants du Code civil contre le bénéficiaire (ou même contre les autres prestataires éventuels dans l’hypothèse où le dommage lui serait imputable). La jurisprudence a donné un caractère réciproque à cette règle. Désormais, le bénéficiaire de l’aide, victime d’un accident du travail du fait du prestataire ou du matériel prêté, ne peut se retourner contre le prestataire.
Les accidents du travail survenus au cours des travaux d’entraide s’entendent des seuls dommages corporels. Ce régime de responsabilité ne s’étend pas aux dommages causés aux biens des partenaires de la convention ou à des tiers.
De plus, cette règle ne concerne pas les salariés de l’exploitant. L’exploitant reste responsable des accidents de travail survenus à ses ouvriers agricoles pendant l’acte d’entraide. Et les ouvriers agricoles du prestataire ne peuvent pas exercer un recours de droit commun contre le bénéficiaire car ce dernier n’a pas la qualité de tiers.
Par conséquent, le prestataire doit contracter une assurance couvrant tous les risques entrainés par l’exécution d’un service rendu au titre de l’entraide, en particulier les risques d’accidents du travail de ses ouvriers agricoles. Quant aux membres non salariés de la famille de l’exploitant, ils bénéficient au même titre que l’exploitant du régime d’accident du travail (Aaexa).
Le temps de l’entraide est entendu au sens large
Selon la jurisprudence, le temps de l’entraide ne se limite pas à la stricte exécution des travaux agricole. Un accident causé lors d’une manœuvre alors que l’opération d’entraide est terminée rentre dans le cadre de l’entraide. D’autre part, le temps de l’entraide s’étend aux déplacements qui interviennent au cours ou à l’occasion des travaux d’entraide. Il en est ainsi de l’accident survenu lors d’un déplacement pour aller et revenir d’un champ à un autre ou du siège de l’exploitation du bénéficiaire au lieu de travail où l’entraide doit être exécutée. Cependant, les accidents qui interviennent lors du déplacement n’entrent pas tous dans le cadre des accidents de l’entraide. La jurisprudence refuse d’étendre la notion d’accident d’entraide à l’accident de circulation survenu sur la voie publique au cours du retour du prestataire à son domicile ou inversement lorsqu’il se rend chez le bénéficiaire. C’est alors le régime de responsabilité propre aux accidents de la circulation qui s’applique (ndlr : Régime de responsabilité de la loi du 5 juillet 1985).
Dommages aux biens du partenaire ou à des tiers : le régime de droit commun
Envers les tiers, le prestataire reste responsable des dommages occasionnés lors de l’acte d’entraide par lui-même, les membres de sa famille, ses aides familiaux ou salariés. Cette règle s’applique quelle que soit l’origine du dommage : fait personnel ou fait des animaux ou du matériel que le prestataire (ou ses préposés) a sous sa garde. En conséquence, son assurance doit couvrir tous les risques entraînés par l’exécution d’un service rendu au titre de l’entraide. Cependant, sa responsabilité n’est pas engagée si le bénéficiaire de l’entraide a acquis la garde du matériel ou des animaux mis à sa disposition par le prestataire : la responsabilité des dommages occasionnés aux tiers du fait de ces choses incombe alors au nouveau gardien, c’est-à-dire au bénéficiaire. Quant au dommage causé au prestataire ou au bénéficiaire par un tiers, le Code rural prévoit que la victime peut demander réparation du préjudice au tiers, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par les prestations des organismes assureurs.
Enfin, le prestataire est responsable de tous dommages subis par les biens du bénéficiaire de l’entraide en raison de sa négligence ou de celle de l’un de ses préposés. Réciproquement, le bénéficiaire de l’entraide répond des dommages causés par sa faute au matériel du prestataire de services.
Neutralité fiscale de l’entraide
Les prestations réalisées lors de l’entraide échappent à toute imposition. Elles sont légalement exonérées de la Tva et de la taxe professionnelle, et l’imposition des bénéfices est naturellement exclue puisque l’entraide est un échange de services à titre gratuit.
Le Code rural prévoit également que l’entraide ne donne pas lieu à la perception de cotisations sociales.