Depuis qu’il est arrivé rue de Varenne, Stéphane Le Foll n’a cessé de défendre la nécessité de faire émerger de nouveaux modèles agricoles, plus durables, plus économes en intrants.
Au Palais d’Iena à Paris, qui abrite le Conseil économique, social et environnemental, le ministre de l’Agriculture, a réuni le 18 décembre 2012 nombre de scientifiques, enseignants-chercheurs, agriculteurs déjà engagés dans l’agriculture écologiquement intensive et leaders d’organisations professionnelles. Dans son discours de clôture, il entendait marquer la fin de l’agriculture conventionnelle au profit de nouveaux "systèmes" agricoles.
A suivre l’interview de Stéphane Le Foll à l’issue de sa clôture de la conférence nationale "Produisons autrement"
« Il faudra moins utiliser tout ce qu’on consommait en quantité dans le modèle agricole conventionnel », a-t-il résumé, en s’employant à conjuguer ce modèle au passé pour mieux afficher d’ores-et-déjà l’agriculture française comme la référence de l’agro-écologie.
Avant son intervention, et durant toute la journée, s’étaient succédés des agriculteurs et des chercheurs de l’Inra ou de l’Institut de l’élevage pour témoigner d’expériences en matière de gestion du potentiel du sol, d’autonomie en production laitière, de diminution de consommation d’intrants, d’agroforesterie et d’accompagnement des agriculteurs au changement.
Faire de la France la référence de l’agro-écologie
La démarche globale "Produisons autrement" de Stéphane Le Foll constitue finalement la trame de son « projet agro-écologique pour la France ». Un projet qui sera pluriannuel et qui engagera tous les acteurs. Cette trame sera déclinée en trois axes :
- « Connaître et capitaliser les expériences » :
Le ministre espère que « 2012 aura été l’année de la prise de conscience ». Outre la plateforme contributive que le ministère de l’Agriculture a lancée il y a quelques semaines, l’Inra a inscrit l’agro-écologie comme l’une de ses deux disciplines émergentes pour 2014/2020. L’agro-écologie sera aussi placée au centre des contrats d’objectifs avec les instituts techniques, qui seront signés mi 2013.
- « Diffuser et former » :
Pour diffuser les expériences et former les agriculteurs, les Chambres d’agriculture, les coopératives, dont les Cuma, et les instituts techniques seront mis à contribution.
Par ailleurs, sans attendre le prochain plan national de développement agricole 2014/2020, 3 M€ de crédits Casdar seront réorientés dès 2013 vers des projets agro-écologiques portés par des collectifs ou des instituts techniques.
Stéphane Le Foll veut aussi adapter l’enseignement agricole en conséquence à partir de la rentrée 2014/2015. Ces évolutions de l’enseignement seront intégrées à la loi d’avenir courant 2013.
- « Inciter » :
Le troisième axe visera à donner les moyens aux agriculteurs d’opérer les changements dans leur système d’exploitation. Or, à l’heure où les incertitudes demeurent quant au budget de la Pac pour 2014/2020, Stéphane Le Foll fait de cette future Pac l’un des leviers majeurs pour accompagner les agriculteurs au changement. « Le verdissement du premier pilier sera un signal fort, explique-t-il. Et nous allons passer de mesures agro-environnementales par domaine à des "Mae système" qui tiendront compte de l’approche globale de l’exploitation ».
Le ministre de l’Agriculture mise beaucoup sur les Giee, les groupements d’intérêt économique et environnemental, qui « seront des modèles d’organisation collective ». Ces Giee seront institués dans la prochaine loi d’avenir.
Bientôt un plan "méthanisation" et un nouveau "plan protéines"
Concrètement, la trame du ministre de l’Agriculture, présentée au Palais d’Iena , ne présente pas de réelle nouveauté. Sur le terrain, pas moins de six programmes d’actions devront permettre de faire avancer les choses.
Les plans "Ecophyto 2018" et "Ecoantibio" sont d’ores et déjà sur les rails, même si le premier ne donne pas, pour l’heure, de résultats satisfaisants. La mise en place courant 2013 d’un programme national "ambition bio 2017" avait déjà été annoncée à l’automne dernier.
A ces programmes s’ajouteront, selon le ministre, trois autres plans. Un plan "azote/méthanisation" d’abord, devra faire de la méthanisation dans les exploitations d’élevage « un moyen de traiter l’azote en excès, et non plus seulement un moyen de produire du gaz ou de l’électricité. »
Enfin, Stéphane Le Foll, comme l’ont fait quasiment tous ces prédécesseurs, entend relancer un nouveau "plan protéines", pour « contribuer à l’autonomie fourragère et réduire la forte dépendance de la France en protéines végétales ».
Le sixième plan sera tourné vers la biodiversité et l’apiculture durable.
Comment concilier l’agro-écologie vertueuse et les réalités du terrain ?
Reste que, s’il apparaît plutôt séduisant sur le papier, ce projet agro-écologique pour la France laisse, sur le terrain, quelques interrogations. Notamment, cette trame pourrait bien signer l’arrêt définitif du plan de stockage de l’eau, suite à la mise au placard par les Ddt des nombreux projets collectifs portés par des agriculteurs irriguants. Car la boîte à outils que proposera le ministère de l’Agriculture à travers les expériences existantes vise notamment à « réduire la quantité d’eau utilisée », et non pas à créer de nouvelles ressources.
Pour les éleveurs, l’agro-écologie ressemble, pour l’heure, davantage à des complications environnementales, avec la définition de nouvelles normes en application de la directive nitrates actuellement en discussion entre Paris et Bruxelles.
Plus encore, Stéphane Le Foll semble miser beaucoup sur la réorientation des aides de la Pac. Encore faut-il en connaître le budget! Et c'est bien ce qui irrite la Fnsea et JA notamment. Pour eux, que ce soit en matière de budget agricole ou d'ambition agro-écologique, au regard des incertitudes sur la Pac et du dossier brulant de la directive nitrates, il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs.
