Terre-net Média (Tnm) : Quel regard portez-vous sur la réforme de la Pac actée par l’UE la semaine dernière ?
Jean-Marie Séronie : Malgré une négociation très difficile, les axes stratégiques que la Commission européenne a présenté il y a plus d’un an ont été intégralement maintenus. La logique de cette réforme semble quelque peu moins libérale que les précédentes. En matière de verdissement des aides par exemple, nous passons tout de même d’une politique de sanction, déployée en France par la conditionnalité des aides, à une politique de rémunération, s’appuyant sur des mesures auxquelles les agriculteurs devront souscrire.
Mais cette réforme a au moins deux défauts. D'abord, elle rend moins visible la différence entre le premier et le second pilier. Pour exemple, la politique d’installation des jeunes s’appuyera désormais sur les deux piliers. Ensuite, elle laisse tellement de souplesse aux Etats membres, sur de nombreux points, qu’elle constitue une étape importante vers renationalisation de la Pac. Or, selon les choix qui seront faits par les Etats membres, cela pourrait amplifier la concurrence intra-européenne.
A peine l’accord européen trouvé, le ministre de l’Agriculture a indiqué qu’il souhaitait boucler dès septembre les discussions quant à l’application française de cette réforme. N’est-ce pas précipité ?
J.-M. Séronie : Le ministre semble vouloir aller vite. Et c’est une stratégie très politique de sa part, de vouloir prendre des décisions dès septembre. Sans doute ne veut-il pas laisser trop de place aux nombreux groupes de pression agricoles ou environnementaux.
« Les Giee seront un entonnoir pour les aides du second pilier »
Sur le fond, Stéphane Le Foll doit faire des arbitrages très importants. D’ailleurs certains ont d’ores-et-déjà été effectués dans le cadre des travaux préparatoires au projet de loi d’avenir agricole. Les groupements d’intérêt économique et écologique constitueront indéniablement un entonnoir pour les aides du second pilier, à l’image des anciens Cte. En procédant à des appels d’offres, auxquels pourront répondre des organismes non exclusivement agricoles, le ministre ne veut pas seulement faire de l’agriculture un modèle de l’agro-écologie. C’est l’ensemble de l’environnement de la gestion agricole qu’il va bouleverser.
D’ailleurs, le ministre a confié à Bertrand Hervieu la mission d’identifier les leviers permettant le développement de nouveaux modèles de production. Ce n’est pas un choix anodin car ce dernier est avant tout sociologue. Il analyse l’évolution du monde agricole et ce qui peut entraver les mutations dans ce secteur, à travers notamment le rôle de ses acteurs. Or les structures agricoles sont parfois des freins au changement.