Le 26 juin 2013, le jour même de la conclusion de l'accord européen sur la réforme de la Pac, Stéphane Le Foll indiquait qu'il comptait aller vite quant à son application française.
Moins de deux semaines après l’accord politique sur la réforme de la Pac, le ministère de l’Agriculture est en mesure de montrer quelles seraient les conséquences de sa mise en œuvre pour chacune des grandes filières de la ferme France.
Un document de travail remis à la profession agricole mercredi 10 juillet 2013, que Terre-net Média s’est procuré, envisage quatre scénarios reposant sur différentes hypothèses de convergence, de recouplage et de redistribution des aides.
Pour chacun des scénarios, les agriculteurs pourront compter sur une enveloppe de 7,5 Mds d’€ en moyenne par an d’ici 2020 qu’ils devront se partager sur 26 millions d’hectares.
Paiement de base de 72 €/ha
Le quatrième scénario proposé aux professionnels agricoles et que nous présentons, a la faveur de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture puisqu’il combine une convergence totale des aides directes en 2019 à laquelle s’ajoutent :
- un recouplage en faveur de l’élevage de 15 % de l’enveloppe nationale (dont 2 % pour les cultures de légumineuses);
- un verdissement de 30 % avec un paiement différencié qui tient compte de la situation initiale des agriculteurs (Dpu moyen en 2014);
- une majoration des 52 premiers hectares (soit 14,5 millions d’hectares sur les 26 millions) (1) grâce à la mobilisation de 30 % de l'enveloppe du premier pilier;
- limitation des pertes du paiement de base, dans le cadre de la convergence partielle, de 30 % entre la valeur initiale et la valeur finale.
Ce redéploiement se traduit d’abord par une concentration de près de 40 % des aides directes, avant verdissement et recouplage, sur près de 55 % de la surface agricole de la ferme France. Réciproquement, environ 10 % de l’enveloppe d’aides directes constituerait les paiements de base de près de 45 % de la surface agricole.
Un impact croissant en fonction de la taille de l'exploitation
Ensuite, ce même redéploiement conduit à verser par hectare, toutes productions confondues :
- Un paiement de base moyen de 72 €,
- Un paiement vert moyen de 86 €,
- Une majoration de 155 € pour les 52 premiers hectares.
Dans ces conditions, les exploitations céréalières de moins de 52 hectares toucheraient 313 €/ha en moyenne (hors phénomène de convergence, autrement dit sans prendre en compte les situations au cas par cas). Au-delà du 52ème hectare, elles toucheraient 174€/ha. Toutefois, la convergence serait limitée à 30 % de la valeur des Dpu pour les plus élevés!
Pour 150 hectares, l’aide serait ramenée à 211 €/ha en moyenne (hors mesure JA et zones soumises à handicap). Plus la taille de l’entreprise est importante, plus la majoration des 52 hectares se dilue et plus le versement moyen attendu diminue (184 €/ha pour 300 ha de Sau).
Pour les gaec, la règle de transparence conduit au doublement des seuils : un gaec de deux associés sur 300 ha percevra en moyenne 211 €/ha. L’objectif de soutenir l’emploi dans les exploitations est atteint.
Un manque à gagner important
Cette hypothèse de redéploiement, qui a la préférence de Stéphane Le Foll, conduit toutefois à ce que tous les céréaliers voient leurs aides directes (2) diminuer au-delà de 100 hectares de grandes cultures par Uth. La perte serait de :
- 17 % en moyenne entre 100 ha et 200 ha, soit 7.720 € en moyenne par exploitation (références 2010)
- 25 % au-delà de 200 ha, soit 21.250 € en moyenne par exploitation.
En fait, le manque à gagner est d’autant plus élevé que la taille de l’exploitation est importante.
Les gagnants de ce redéploiement sont les 49.000 céréaliers à la tête d’une structure de moins de 50 hectares qui verront leurs aides augmenter de 15 % soit un peu plus de 830 €.
Enfin, parmi les exploitations de dimension intermédiaire, comprises entre 50 ha et 100 ha, la perte ne sera que de 2 %. En fait, il y aura dans cette catégorie d’exploitation des gagnants (les plus proches de 50 ha) et des perdants (les plus proches de 100 ha) avec, pour ces derniers, des manques à gagner plus importants, jusqu’à 17 % des aides perçues.
Des polyculteurs éleveurs aussi impactés
L’ensemble de ces simulations repose sur des paiements de base moyens calculés par rapport à un Dpu moyen de 268 €/ha.
Les aides directes du scénario retenu dans notre article, seraient supérieures durant les années de convergence si la valeur initiale du paiement de base, calculé en fonction de la référence historique, est plus importante.
Par exemple, si le Dpu d’un céréalier est supérieur de 20 % au Dpu moyen (268 €/ha – référence 2010), alors le paiement de base serait, au cours de la première année de la mise en œuvre de la réforme de la Pac, supérieur de 20 % au montant moyen, soit 86,4 € (72 € de paiement de base + 20 %) . Ensuite, l’écart serait totalement réduit par étape jusqu’en 2019 puisque le scénario repose sur cette hyporthèse de convergence.
Le ministère de l’Agriculture a simulé pour chaque grande catégorie d’exploitations les conséquences de la mise en œuvre de la réforme de la Pac selon le scénario décrit ci-dessus. Il en ressort que les polyculteurs éleveurs verraient aussi leurs aides diminuer comme les céréaliers, mais au-delà de 100 hectares de Sau. Avec moins de 50 ha, leurs aides directes seraient en moyenne supérieures de 24 % à leur niveau de 2010 et de 3 % pour une Sau comprise entre 50 ha et 100 ha.
Cette catégorie d’exploitants bénéficie partiellement du redéploiement des aides en faveur de l’élevage, excepté les producteurs de lait sur des systèmes maïs fourrages qui voient leurs aides directes diminuer de 16 % en moyenne (qui ne prennent pas en compte les aides recouplées).
En savoir plus :
Les quatre scénarios de l'application française de la réforme de la Pac
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