Dix actions qui n’amputent pas la performance des exploitations

Dix actions qui n’amputent pas la performance des exploitations

Pois protéagineux.Une des actions identifiées pour réduire les émissions de Ges agricole : accroître la part des cultures de légumineuses qui, grâce à la fixation symbiotique d'azote atmosphérique, ne nécessitent pas de fertilisants azotés externes et permettent de réduire la fertilisation minérale de la culture suivante. (©Terre-net Média)

L’inventaire national 2010 des émissions françaises de gaz à effet de serre (Ges) attribue à l’agriculture 17,8 % de ces émissions en équivalents CO2 (CO2e), dont 9,8 % dus au protoxyde d’azote et 8 % au méthane. Si l’on tient compte des émissions liées aux consommations d’énergie, l’agriculture française contribue à hauteur de 20 % aux émissions nationales.

Le secteur agricole est donc appelé à contribuer à l’effort général de réduction des émissions des Ges via la réduction des émissions de protoxyde d’azote et de méthane, le stockage de carbone dans les sols et la biomasse, et la production d'énergie (agrocarburants, biogaz) se substituant à des énergies fossiles. Entendu que les spécificités des émissions de Ges d’origine agricole, c’est-à-dire leur caractère diffus, la difficulté à les mesurer et le fait qu’elles proviennent de processus biologiques, compliquent tout travail de quantification et de limitation.

Dix actions identifiées

Dans cette perspective, l’Ademe et les ministères chargés de l’Agriculture et de l’Ecologie ont demandé à l’Inra de réaliser une étude sur l’atténuation des émissions de Ges du secteur agricole français métropolitain. Les 22 experts mobilisés ont déterminé dix grandes actions possibles (cf. tableau ci-dessous), portant sur des pratiques agricoles susceptibles de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et/ou à l’accroissement du stockage de carbone dans les sols et la biomasse. L’analyse a permis d’estimer le potentiel d’atténuation de chacune de ces actions ainsi que les coûts et gains induits en termes économiques. Les auteurs précisent avoir privilégié des leviers techniques bien renseignés, socialement acceptables et d’ores et déjà disponibles, au détriment de leviers plus exploratoires.

Actions possibles pour réduire les émissions de Ges agricoles.Actions possibles pour réduire les émissions de Ges agricoles. Cliquez sur l'image pour l'agrandir. (© Inra) 

Pour chaque action, le graphe compare le potentiel technique d’atténuation (en abscisses) et le coût de la tonne de CO2 évité (en ordonnées).Pour chaque action, le graphe compare le potentiel technique d’atténuation (en abscisses) et le coût de la tonne de CO2 évité (en ordonnées). Cliquez sur l'image pour l'agrandir. (© Inra)

Lecture de la figure : 

Cette "courbe de coût d'abattement (ou d'atténuation)", dite Macc (Marginal abatment cost curve), représente : horizontalement, le potentiel annuel de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 à l'échelle nationale ; verticalement, le coût pour l'agriculteur de la tonne d'équivalent CO2e évité ; il tient compte des subventions publiques indissociables du prix payé ou reçu par l'agriculteur. Un coût négatif signifie un gain pour l'agriculteur, un coût positif un manque à gagner. Les sous-actions sont ordonnées par coût croissant. A gauche, figurent celles qui génèrent un gain pour l'agriculteur ; au centre, celles dont l'incidence économique est faible ; à droite, celles qui sont les plus coûteuses.
Pour chaque action, la hauteur du rectangle indique donc le coût de la tonne de CO2e évité et la largeur le niveau d’atténuation des émissions (en Mt de CO2e évité par an) calculé sur l’assiette atteinte en 2030.

Gains financiers possibles pour l’agriculteur

Un tiers des actions donne lieu à un gain financier pour l’agriculteur. Il s’agit surtout d’ajustements techniques, sources d’économies d’intrants sans perte de production, par exemple, au niveau de la conduite des prairies, de l’ajustement de la fertilisation azotée ou de l’alimentation des bovins et des porcs.

Un deuxième tiers représente un coût modéré (inférieur à 25 €/tCO2e évité). Elles nécessitent des investissements spécifiques (méthanisation) et peuvent modifier le système de culture (réduction du labour, agroforesterie), avec des baisses modérées du niveau de production, partiellement compensées par des réductions de charges (carburants) ou la valorisation de produits complémentaires (électricité, bois).

Les actions du dernier tiers sont à coût plus élevé. Elles nécessitent un investissement sans retour financier direct, des achats d’intrants spécifiques, du temps de travail dédié (cultures intermédiaires, haies) et peuvent impliquer des pertes de production plus importantes (bandes enherbées réduisant la surface cultivée). Cependant, certaines de ces actions ont des effets positifs à d’autres niveaux (biodiversité, érosion) qui n’ont pas été quantifiés par cette étude.

La gestion de l'azote, premier levier d'action

La majeure partie du potentiel de réduction à coût négatif est liée à la gestion de l'azote. L'intérêt des actions sur ce poste est encore renforcé si on tient compte des émissions induites, liées à la fabrication des engrais azotés de synthèse notamment, et si on considère les autres enjeux environnementaux et de santé publique (nitrate, potabilité de l'eau et qualité des écosystèmes aquatiques ; ammoniac et qualité de l'air). Les autres leviers à coût négatif concernent la gestion des prairies et les économies d'énergie fossile sur l'exploitation.

Un potentiel de réduction de 32 Mt équivalent CO2

Mises en œuvre, l’ensemble de ces actions conduirait, à l’horizon 2030, à une réduction annuelle de 32 millions de tonnes équivalent CO2, selon la méthodologie utilisée par les experts. Cette estimation ne peut cependant pas être directement comparée aux émissions agricoles françaises de l'inventaire national, calculées selon d'autres règles. La prise en compte, ou non, des interactions entre actions, ou des émissions induites a également un impact sur les résultats. Ainsi, selon les calculs, le potentiel de réduction varie de 10 Mt CO2e par an à 32 Mt en passant par des hypothèses à 29,6 ou 26,6 Mt. Les auteurs de l'étude, qui évoquent une sous-estimation du potentiel de réduction selon leurs calculs, militent d'ailleurs pour une évolution des méthodes d'inventaire pour qu'elles puissent rendre compte de l'effet des actions proposées.

A court terme, l'Inra préconise également une évaluation multicritère des actions contribuant à plusieurs objectifs agri-environnementaux (bandes enherbées, haies, cultures intermédiaires et intercalaires, non-labour…) pour lesquelles l'appréciation au titre de la seule atténuation des émissions de Ges est réductrice.

Enfin, pour aller plus loin, l'institut souhaite se pencher sur l'identification des instruments de politique publique et des mesures incitatives susceptibles de favoriser l'adoption des actions présentant les meilleures propriétés.

Incertitudes et sensibilité des résultats

Les hypothèses faites pour les calculs économiques affectent fortement les résultats obtenus. Ainsi, le coût relativement modeste de la méthanisation est lié à la prise en compte de la subvention publique dans le tarif de rachat de l'électricité produite ; hors subvention, ce coût passe de 17 à 55 € par tonne de CO2e évité. Inversement, un calcul sans la subvention que constitue la défiscalisation des carburants agricoles accroît l'intérêt du labour occasionnel : le coût de la tonne de CO2e évité devient même négatif, passant de + 8 à - 13 €.


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