« Tous les jours, on perd de l'argent. Ça ne peut plus durer ! »

L'image semble idyllique, mais cet agriculteur du Nord-Finistère est formel : « Tous les jours, on perd de l'argent. Ça ne peut plus durer ! » « Je n'ai jamais connu une crise comme celle-ci », assure l'homme au visage marqué par les dures journées de travail enchaînées depuis son plus jeune âge.« A 13 ans, j'avais déjà le panier sur le dos », raconte-t-il. « Depuis un an, on perd des sommes astronomiques », ajoute ce légumier qui exploite 20 hectares situés en bordure de mer, à Saint-Pol-de-Léon.

La petite commune abrite la Sica, premier groupement français de producteurs de légumes avec 1.500 agriculteurs, dont Jean-Pierre Coroller. Celui-ci explique ses difficultés et celles de la profession par un climat doux qui a engendré une surproduction, mais également par des charges sociales très élevées, tout en regrettant le surcroît de travail dû « aux paperasses à n'en plus finir ». « Les charges nous étouffent, on donne 40 % à la Msa », la Mutualité sociale agricole, celle-là même dont une centaine de légumiers ont incendié un bâtiment vendredi soir à Morlaix (Finistère), en même temps que le centre des impôts de la ville, pour protester contre les réglementations administratives et fiscales.

« Il faudrait que nos charges diminuent, on n'en peut plus. Et puis quand on a la chance de faire une année un peu meilleure, on nous surtaxe », souligne l'homme aux cheveux blancs, qui sans cautionner la violence des légumiers vendredi soir, dit la comprendre. « C'est facile de juger les gens, mais il faut se mettre à notre place, c'est vraiment dur. »

"Un malaise quelque part"

« On n'est pas gourmands, si on pouvait gagner ne serait-ce qu'un Smic, cela nous irait », avoue ce producteur d'artichauts, mais aussi de choux-fleurs, pommes de terres nouvelles et échalotes, installé depuis 1976.

Les légumiers feront part mercredi de leurs difficultés au ministère de l'Agriculture, où ils ont rendez-vous.

A ses côtés, sa femme Brigitte, 52 ans, acquiesce. « On vit parce qu'on a de l'argent de côté, mais on ne vit pas de notre travail », ajoute la femme aux cheveux de jais, disant envisager l'avenir avec pessimisme. « Je me demande ce que veut le gouvernement. S'il ne veut plus d'agriculteurs, qu'il le dise, car là on est en train de couler. Il y aura des suicides, les gens vont déprimer... » prédit-elle, expliquant que pour les jeunes exploitants « c'est encore plus difficile car ils ont fait de gros investissements » et « certains s'endettent pour payer leurs charges ». Originaire de Morlaix, Brigitte a vécu pendant 30 ans à Paris où elle a travaillé chez un assureur, avant de revenir dans la région s'installer avec Jean-Pierre, avec qui elle a un petit garçon de 11 ans. D'un abord doux, elle se dit cependant « en colère, contre ceux qui font semblant que tout va bien et qui se sucrent dans notre dos », référence aux intermédiaires, depuis le transporteur jusqu'à la grande distribution.

Les échalotes de la ferme de Kerambars sont vendues huit centimes le kilogramme à la Sica, mais une fois sur les étals des grandes surfaces leur prix passe à deux euros, explique avec amertume Jean-Pierre Coroller. « Il y a un malaise quelque part », dit-il, assurant qu'il répondra présent dans le cas de nouvelles actions des légumiers du Nord-Finistère.

Dans le champ d'artichauts, une silhouette s'avance : c'est celle de Brendan Tanguy, 30 ans, un saisonnier avec lui aussi un panier sur les épaules. « S'il y a une autre année comme ça, faudra que je trouve une autre ferme. Mais si tous les agriculteurs ont du mal, ben j'aurais plus de travail, j'aurais plus qu'à rester chez moi... » témoigne-t-il résigné. 

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