A Cournon, les éleveurs épuisés par les contraintes

« Tout le monde a un avis sur nos territoires, chacun veut nous imposer ses règles sans jamais avoir géré un seul m2 ou fait naître un seul veau ! » Eleveur et fils d'éleveur, Michel Lacoste n'a plus de assez de mots pour condamner la frénésie réglementaire qui régit son métier. « On vient sans arrêt nous expliquer comment faire, mais à la fin c'est nous qui bossons », résume mercredi ce solide quadragénaire qui a repris l'exploitation du Cantal depuis 1999. Un matin au printemps, il a vu arriver cinq contrôleurs en même temps. Cinq. Alors que les vaches étaient au pré. « Il a fallu les répartir en trois équipes pour les balader sur l'exploitation » : aujourd'hui, il préfère en rire quand il le raconte. Un jour c'est le contrôle du lait, un autre l'Office de l'eau pour les captages, une fois c'est le bien-être animal, une autre la vérification des déclarations pour les aides Pac, la politique agricole européenne. Ou la sécurité des matériels. Ou l'emploi d'un apprenti. Ou le respect des 21 zonages différents (classements Natura 2000, Trame verte ou bleue...) parfois contradictoires.

Dans son viseur aujourd'hui, comme dans celui des collègues du Massif central, la dernière réglementation de l'été sur les nitrates qui a fait entrer leurs communes, jusqu'ici épargnées, dans les « zones vulnérables », c'est-à-dire soumises à de coûteux aménagements pour protéger l'eau des sources. « C'est la douche froide », assure Patrick Bénézit, président de la fédération Massif central des syndicats agricoles (Frsea). « Les éleveurs d'ici pensaient à juste titre qu'ils n'étaient pas concernés par les nitrates. En montagne, on ne fait pas d'agriculture intensive. »

« On dénature le métier »

Il dénonce un classement à l'emporte-pièce qui fait basculer près de 4.000 communes et 63.000 exploitations dans l'illégalité et les somme de procéder à de coûteux aménagements pour stocker leurs effluents pendant l'hiver. Coût moyen estimé : 35.000 euros, mais 80.000 chez les Lacoste. Le règlement interdit aussi l'épandage en zones pentues, mais dans la région, certaines exploitations sont à 100 % en pentes.

La Fnsea et les éleveurs contestent le plan sans pouvoir obtenir les analyses qui ont justifié ce classement. « Arrêter de charger ! » s'est écrié mercredi Dominique Barrau, le secrétaire général de la Fnsea. « C'est un cri de désespoir. »

Mercredi, la Mutualité sociale agricole (Msa) a lancé un appel « à la vigilance », face au risque de suicide chez les paysans. « C'est sûr que le gars tout seul, isolé, qui bosse tous les jours de l'année et voit débarquer le contrôleur... » opine Michel Lacoste, qui est lui associé au sein d'un Gaec, un groupement de cinq producteurs, avec sa femme.

Des Z'hommes vulnérables

« Le pire, c'est le manque de confiance », reprend son ami d'enfance David Chauve, 38 ans, éleveur dans le Puy-de-Dôme avec sa femme. Pour lui, l'excès de paperasserie, d'administration, c'est surtout depuis le début des années 2000. « Chaque geste doit être enregistré, consigné. On dénature le métier », juge-t-il. « L'empilement est parfois anodin. Mais on en arrive à un point où on ne peut plus tout connaître. Chaque fois que surgit un nouveau règlement, l'éleveur a peur de ne pas être en règle : c'est perturbant et décourageant », constate Patrick Bénézit. « Ce cumul de contraintes s'ajoute au fait qu'on ne gagne plus sa vie : les charges augmentent et prix baissent, ou stagnent. On est pris en étau. » La « zone vulnérable, c'est nous : des Z'hommes vulnérables », dit-il. « On est entré dans une zone d'extermination de l'élevage. »

Tous espèrent un geste du ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, attendu jeudi au salon. En signe d'avertissement, les militants de la Coordination rurale (minoritaire) ont « enrubanné » le stand officiel du ministère mercredi de film plastique au cri de : « Foutez nous la paix ! Laissez nous travailler ! » Une supplique partagée par le syndicat des Jeunes agriculteurs (JA) qui plaide de « pouvoir vivre d'un métier (qu'ils) aiment et ont choisi ». « Nous sommes des entrepreneurs responsables, pas des enfants à surveiller et à menacer d'une fessée », écrivent-ils dans un tract. 

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